Connue pour sa richesse en sites archéologiques numides et romains, portée au firmament de l'histoire par la cité Thamugadi (Timgad, classée patrimoine universel par l'Unesco en 1982) la région de Batna peine toutefois à contenir l'étendue gigantesque de son patrimoine matériel qui déborde presque de toutes parts. Signe d'une histoire plongeant ses racines très loin dans les temps antiques, mais source, par moments, de quelques soucis liés aux grands chantiers urbains inscrits dans le cadre du développement local, qui ne favorisent pas souvent sa protection, sa sauvegarde et surtout sa mise en valeur. Et c'est exactement ce qui se passe actuellement au niveau d'un site numido-romain, appelé Agradou, au nord de la ville de Merouana, située à environ 40 km au nord-ouest de la ville de Batna. Selon des archéologues et quelques associations locales versées dans la protection du patrimoine culturel de la région, les travaux d'un chantier de 250 logements sociaux, sous l'égide, de l'OPGI, ont causé des « dégâts considérables » sur de nombreuses pièces archéologiques enfouies sous terre. Sur sa page Facebook, l'association Identité du patrimoine culturel a tiré la sonnette d'alarme en publiant quelques photos de pièces endommagées. Sur les réseaux sociaux spécialisés en archéologie, la polémique fait rage reprochant « la négligence » des autorités locales censées, pourtant, protéger ce prestigieux legs historique. Faux, rétorque le directeur de la culture de la wilaya de Batna, Abdallah Bouguandoura, que nous avons contacté pour plus d'éclaircissement. « S'il y a bien un organisme chargé de la protection du patrimoine local, c'est bel et bien notre département » assure-t-il tout en remerciant la vigilance de la société civile qui témoigne de -son attachement à ces vestiges qui donnent toute la valeur à l'histoire et à l'image de la région. Pour le premier responsable de la culture de la capitale des Aurès, cette affaire a été exagérément dramatisée. « Je me demande pourquoi il n y a pas eu de pareille réaction lorsque, dix ans auparavant, un tribunal a été construit dans les parages » a-t-il argué en estimant que le site ne revêt pas la même importance que d'autres lieux « de loin » plus riches en vestiges archéologiques. Soucieuse de veiller à la sauvegarde de ce prestigieux patrimoine, la direction de la wilaya, par le truchement du service du patrimoine culturel, a délégué sur place une commission d'enquête composée essentiellement d'archéologues pour faire le point sur la situation. Une correspondance a été, par la suite, adressée aux services locaux concernés (l'APC et la daïra de Merouana, la Gendarmerie nationale, la direction de l'OPGI) pour geler les travaux du chantier et tenter de trouver une solution à ce problème qui relève de la mémoire et de l'identité collective tant de la région que celle de tout le pays. Un chef de service, Abdelkader Bitam, a néanmoins tenu à préciser que la direction de la culture n'a ni été informée encore moins impliquée avant le lancement de ce chantier. Pour ce qui est des objets endommagés, « la commission a fait état de deux ou trois pièces d'un pressoir à huile romain. Il faut savoir qu'à l'époque antique, Merouana fut une région agricole connue pour la culture des oliviers » selon notre interlocuteur.