Le conseil de l'ordre des avocats du barreau d'Alger a décidé d'organiser, aujourd'hui, un rassemblement devant la Cour d'Alger et de boycotter les audiences au niveau des tribunaux de la wilaya en protestation à l'altercation, jeudi dernier, à la Cour d'Alger, entre un avocat et un officier de police chargé de la sécurité. « C'est la goutte qui a fait déborder le vase », a précisé Me Salah Abderrahmane. « Des avocats sont souvent malmenés, humiliés et violentés par des policiers, notamment au niveau de la Cour d'Alger », regrette-t-il. « L'incident de jeudi est grave », déplore Me Abderrahmane, tout en relatant les faits. « La victime, Kh. Zakaria, un avocat, est rentré dans la salle d'audience sans sa robe noire. Le procès lié à une affaire de trafic de drogue n'avait pas encore commencé et le président d'audience n'était pas dans la salle. Un agent de police s'est approché de lui et l'a sommé de quitter la salle. L'avocat lui a présenté sa carte professionnelle et quitté la salle avant qu'il ne soit surpris par l'officier de police qui a ordonné à ses éléments de le mettre en geôle. C'est inadmissible et intolérable. Des affrontements ont eu lieu entre des avocats et des policiers qui ont utilisé le taser blessant une avocate lui causant une incapacité de 7 jours », raconte-t-il. De son côté, Me Mohamed Boughaba signale que l'avocat, victime de cet incident, souffre de diabète et de problèmes cardiaques. « Il exerce ce métier depuis 20 ans. Il n'a jamais fait l'objet de plainte tout le long de son parcours. On a décidé de protester pour dire basta à ces comportements et agissements dégradants », s'insurge Me Boughaba, rappelant que le magistrat président de l'audience « est le policier de la salle ». C'est à lui seul de faire des remarques à la défense. « Aucun policier n'a le droit de dépasser ses prérogatives, qui consistent en la sécurisation de la salle et le contrôle des accusés prisonniers dans le box et dans leur déplacement », précise-t-il. Et pour le port de la robe noire ? Me Boughaba explique que seul l'avocat qui doit plaidoyer devant un tribunal lors d'un procès en est concerné. « Un avocat qui veut assister à une audience ou veut retirer des documents n'est pas dans l'obligation de la porter. C'est ce que stipule la loi », déclare l'avocat. Pour sa part, Me O. N. qui a plus de 27 ans d'exercice, affirme n'avoir constaté aucun incident ou « accrochage » entre avocat et policier durant toute sa carrière. « Bien au contraire, il y avait toujours du respect et entraide entre ces deux corporations. Il nous est arrivé même de signaler à la police un comportement suspect d'un accusé dans la salle d'audience. Mais depuis l'arrivée de la nouvelle équipe d'avocats, on constate des incidents entre policiers et la défense. Des remarques déplacées de la part de certains policiers », soutient-il. En effet, des avocats se sont plaints des agissements de certains policiers qui, selon eux, mettent à mal l'exercice de la profession. Lors de l'assemblée générale extraordinaire des membres du Conseil de l'ordre, des avocats ont revendiqué le lancement d'une action judiciaire contre l'officier de police, auteur de l'agression, et le remplacement des autres agents au niveau de la Cour d'Alger. Les policiers mis en cause : « Nous avons été agressés et malmenés par des avocats » Les policiers mis en cause ont nié avoir agressé des avocats. L'officier de police, le lieutenant A. Noureddine, a indiqué qu'il a fait l'objet d'une agression physique de la part du bâtonnier et certains avocats. Pour preuve, il a eu une incapacité de travail de 4 jours et son collègue de 7. Le chef de brigade incriminé nie également l'utilisation du taser, notant qu'il y avait des témoins. Toutefois, il a été « mis en congé », selon une source de la DGSN. En outre, les services de la sûreté de la wilaya d'Alger ont ouvert une enquête afin de faire la lumière sur cet incident et situer les responsabilités. « Ce genre de comportement est intolérable dans le corps de la police. Des mesures seront prises. Les instructions du directeur général de la sûreté nationale sont claires et rien ne justifie un dépassement quelles qu'en soient les circonstances. La dignité et les droits du citoyen sont une ligne rouge », a fait savoir un cadre de la police. D'ailleurs, des responsables de la police ont contacté le bâtonnier d'Alger, Abdelmadjid Sellini, pour dénoncer ce genre de comportement. Ils se sont engagés à prendre des sanctions, a rapporté, hier, l'ordre des avocats d'Alger dans un communiqué. Le boycott est prévu pour deux heures. Il sera suivi d'une rencontre avec les responsables de la Cour.