Les divergences entre les partisans et les opposants au Tribunal spécial mis en place par le Conseil de sécurité le 30 mai 2007 pour enquêter sur le meurtre de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri, s'aiguisent à l'approche de la publication de l'acte d'accusation. « La paix civile et l'entente nationale sont menacées », affirme le président libanais, Michel Sleïman Selon Canadian Broadcasting Corporation (CBC), une chaîne publique canadienne, les limiers de la Commission d'enquête onusienne qui enquêtent sur l'attentat du 14 février 2005 qui a visé et tué à Beyrouth, Rafic Hariri et 22 autres personnes, montrent du doigt le Hezbollah. Ils soupçonnent le mouvement chiite du pays du Cèdre d'avoir bénéficié de complicités de Wissam al-Hassan, l'actuel patron des services de renseignement et ex-chef du protocole du défunt. Ce dernier aurait pris congé le jour de l'attentat. Selon CBC, les indices recueillis par les enquêteurs libanais et étrangers « après plusieurs mois » montrent «de façon accablante que les assassins appartenaient au Hezbollah». Comme preuves, la chaîne cite des «communications» par huit téléphones portables et fixes : des responsables du Hezbollah auraient communiqué avec les propriétaires des téléphones portables utilisés lors de l'explosion qui a tué Rafic Hariri. Cette « découverte » aurait été communiquée au TSL en 2006 par Wissam Eid, un policier libanais qui a été assassiné en janvier 2008. Ces « accusations » ne sont pas nouvelles. En mai 2009, Der Spiegel, un journal allemand, a évoqué le Hezbollah sans évoquer la complicité de l'homme de confiance du père et du fils Hariri. Me Daniel Bellemare, le procureur du TSL, retiendra-t-il les documents cités par CBC ? « L'effet le plus dramatique des reportages de la CBC est que leur diffusion peut mettre la vie de certaines personnes en danger », dit-il mais « quels que soient les défis auxquels nous sommes confrontés dans cette enquête, menée dans des conditions très difficiles, le personnel demeure résolu à la faire aboutir ». Saâd Hariri, le Premier ministre libanais, critique le documentaire canadien.« J'estime que les fuites médiatiques ne servent pas la justice », dit-il, ajoutant : « nous avons une totale confiance dans le colonel Wissam al-Hassan ». Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, qui a appelé le 11 novembre dernier les Libanais à boycotter le Tribunal de l'ONU, promet de «couper la main qui se tendra vers un seul» de ses partisans. Il affirme à qui veut l'entendre que le TSL est à la solde d'Israël. Certains Libanais pressent Nasrallah et Wissam el-Hassan de porter plainte contre la CBC qui serait entrée, selon eux, « dans course médiatique infiltrée par des services de renseignement ». Selon Charbel Nahas, le ministre libanais des Télécommunications, Israël a infiltré le réseau de téléphonie mobile du Hezbollah en mettant en place « des lignes secrètes dans les téléphones portables de trois membres de la résistance ».Les appels téléphoniques impliquant des responsables du Hezbollah seraient-ils l'œuvre des Israéliens qui n'excluent pas un remake de l'été 2006, c'est-à-dire une guerre contre le Liban où selon eux, Nasrallah pourrait « tenter un coup d'Etat » si le TSL impute à son mouvement la mort de Rafic Hariri. Ankara, Damas, Ryad, Doha, Téhéran sont au cœur du maelström libanais. Toutes accourent pour calmer les « politiques » locaux qui font monter les enchères en menaçant de plonger le pays dans un affrontement entre chiites et sunnites.