80% des abus sexuels commis sur des enfants sont l'œuvre d'un parent proche dont la famille a confiance. C'est le résultat auquel est arrivée une enquête préliminaire commandée par l'Association toulousaine pour le développement des acteurs et leurs professionnalisations (ATDAP) et réalisée par un bureau d'étude français. Cette étude a été menée du 24 au 31 mai de l'année en cours dans les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie) et le Moyen- Orient (Liban, Palestine et Egypte). Elle a servi de base à une rencontre organisée jeudi à Alger par le réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant (NADA). Elle a regroupé des associations autour des besoins en renforcement des capacités des acteurs de la protection de l'enfance dans le domaine de la lutte contre les violences sexuelles à l'égard des enfants. L'ATDAP s'est engagée à apporter son soutien aux centres de prise en charge et la réhabilitation psychologique des enfants victimes de viol. Elle effectuera aussi un travail de prévention en développant chez l'enfant des conduites d'autoprotection. Cette expérience a, d'ailleurs, été généralisée au Maroc et l'objectif est de la faire bénéficier aux pays du Maghreb, le Liban, la Palestine et l'Egypte. Concrètement, cette ONG compte former des intervenants sur les concepts liés à la prise en charge des enfants touchés par ce phénomène avec un accompagnement psychosocial. Pour Abderahmane Arar, président du réseau «Nada», la situation est alarmante. En 2010, pas moins de 1359 enfants ont subi des violences sexuelles dont 781 sont des filles. A travers le numéro vert (30-33), il a été enregistré 8043 appels téléphoniques entre 2008 et 2010 et dont la plupart sont des victimes de la maltraitance et de différents types de violence. «Notre intention n'est pas de se substituer à l'Etat mais nous avons nos idées et notre rôle doit être à la hauteur de la gravité des problèmes subis par les enfants», a indiqué M. Arar. Pour le représentant du ministère de l'Education nationale, l'abus sexuel en Algérie n'est pas répandu, mais il faut combattre le moindre cas car il constitue un drame aussi bien pour la famille que pour l'enfant et la société en général. Au même titre que la prévention routière qui doit être enseignée à l'école, 10 à 15 minutes par semaine suffisent à inculquer aux enfants l'éducation morale. A la fin de cette rencontre, un panel de personnalités a été désigné pour constituer le «groupe du plaidoyer politique». Ce groupe composé de médecins, de députés, de sénateurs, de journalistes, de psychologues et de familles de victimes a pour mission de communiquer des messages sur le viol et la violence à l'encontre des enfants via Internet, la presse écrite et parlée et d'organiser des rencontres au niveau des quartiers avec les mamans touchées par ce phénomène. L'après-midi de cette rencontre a été consacrée aux ateliers. Au nombre de trois, ces ateliers ont appréhendé la prévention des violences sexuelles à l'encontre des enfants, la prise en charge et l'accompagnement de l'enfant victime (juridique, médico-légal et psychosocial) et l'élaboration de mécanismes de coordination et de travail concerné entre les acteurs. • Témoignage de Mohamed, une des victimes du viol Il n'a que 9 ans, et son témoignage à visage couvert a bouleversé toute l'assistance. Mohamed a subi des sévices sexuels à l'âge de 7 ans par son propre père. Il parle de son mal profond comme une grande personne consciente de cet acte ignoble. A 7 ans, il a refoulé cette douleur physique et morale qui le rongeait. Il a fini par mettre sa mère dans la confidence. Mais c'était insuffisant. Il voulait parler pour exorciser ce mal. En contactant le réseau «Nada», il a affirmé qu'il est blessé dans sa dignité car ceux qui étudient avec lui ont un «vrai père, gentil, attentionné et aimant» et pas un être dont les actes commis sur son propre fils relèvent de la psychiatrie et de l'immoralité. Son drame lui permet de donner des conseils aux grands. «Faites attention aux petits car ils sont fragiles». Et de recommander aux jeunes de parler aux grands pour ne pas laisser ces actes impunis. Son avenir, il le voit comme juge pour enfants pour les protéger des abus de tout genres.