Martin Dempsey, le général américain le plus haut gradé, ne croit pas en la nécessité d'une intensification des frappes aériennes de la coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie. « Larguer un tapis de bombes sur l'Irak n'est pas la solution », dit-il, plaidant pour une « patience stratégique ». « Nous avons la responsabilité d'être très précis dans l'usage de notre puissance aérienne », a expliqué le président du Comité des chefs d'état-major de l'armée américaine, assurant qu'augmenter le rythme des raids accentuerait les risques pour les populations civiles, ce qui pourrait alimenter en retour la propagande « des terroristes ». Et d'ajouter : « Cela signifie qu'il faut prendre le temps », pour rassembler des renseignements précis sur les cibles possibles. « Certains disent que seulement 10% de ces sorties débouchent sur des frappes, mais cela correspond à nos cibles. Si nous avions plus de cibles, nous pourrions produire plus d'effet sur le terrain », dit-il. La fréquence des bombardements aériens dépend des capacités de l'armée irakienne sur le terrain et de la volonté du gouvernement de Baghdad de se réconcilier avec la population arabe sunnite, méfiante envers les forces de sécurité, indique le général américain aux Irakiens qui l'exhortent à « frapper le terrorisme où qu'il soit ». Il est vrai que le groupe terroriste a profité du sentiment de marginalisation de la population sunnite sous les gouvernements irakiens majoritairement chiites pour s'emparer de vastes territoires au nord et à l'ouest de l'Irak. En lançant, la semaine passée, la bataille pour reprendre Tikrit, le Premier ministre irakien a appelé ses troupes à faire de la sécurité des civils leur « priorité ». Autre précision du général américain : pas de renforts aux 2.600 militaires déjà présents en Irak pour « conseiller et entraîner l'armée de Baghdad ». « Nous avons des conseillers qui attendent (encore) que certaines unités irakiennes se présentent », dit-il, faisant observer dans la foulée que ces « troupes sont affaiblies et parfois sous-équipées ». Ce discours s'apparente à une réponse aux appels des hauts responsables irakiens. Une semaine après le début de la bataille de Tikrit, ils ont fait état d'une résistance de Daech. Un constat qui tord le cou à l'optimisme béat affiché il y a quelques jours par le général américain. « La défaite de Daech n'est qu'une question de temps », dit-il car, explique-t-il, « quelques centaines de membres de Daech ne pourront faire face à 23.000 soldats et miliciens irakiens ». Depuis, le groupe terroriste défend ses positions et s'en prend au patrimoine archéologique irakien, notamment des sculptures préislamiques du musée de Mossoul, les cités antiques de Nimroud et Hatra (nord). Pour Adel Fahd al-Cherchab, le ministre irakien du Tourisme et des Antiquités, et plusieurs archéologues, la coalition internationale doit protéger ces sites que Daech veut détruire. « Ce que je demande à la communauté et à la coalition internationales, c'est de frapper le terrorisme où qu'il soit », déclare Adel Fahd al-Cherchab. « Hatra est un site au milieu du désert où l'on peut voir (depuis les airs) n'importe quelle infiltration », indique le ministre irakien. Cet appel a peu de chance d'être entendu. Selon la plupart des observateurs, les Américains qui savent que « les raids aériens sont insuffisants pour faire face au terrorisme » attendent de voir les troupes irakiennes opter pour l'affrontement sur le terrain.