Les derniers ralentisseurs mis en place ces deux dernières années, à travers les rues d'Oran, témoignent des drames survenus sur le bitume urbain. «Regardez, les automobilistes ne freinent même pas à l'approche des portes du collège », peste Mériem, mère de famille et un couffin à la main. Comme elle, la majorité des parents d'élèves scolarisés au CEM « Rahal Abbès », au quartier populaire d'Essedikia, craignent pour la sécurité de leurs enfants. «Au moins qu'ils sécurisent les abords immédiats de la porte de sortie des élèves», s'inquiète Maâmar, 44 ans, venu attendre son fils et ses deux neveux, nouvellement inscrits au collège. D'autres voix les imitent pour dénoncer ce qu'ils qualifient de « laisser-aller » des responsables locaux. « La moindre des choses, c'est que les services de la voirie procèdent à la pose de ralentisseurs à même de dissuader les chauffards de piquer des pointes de vitesse à l'approche de l'établissement scolaire », propose toujours Maâmar, qui a récupéré sa « cargaison » entre temps. La sortie de plusieurs centaines d'élèves en même temps peut provoquer à la longue des accidents de la route surtout si l'on sait que la rue où se trouve le CEM est également un carrefour de plusieurs lignes de transport en commun, le «B», le «31», le «1» ou encore le «49». Avec un nouveau revêtement de la chaussée, les riverains ont vu avec inquiétude la disparition des «dos d'ânes» déjà existants et attendent toujours avec impatience la pose d'autres ralentisseurs plus conformes avec le décret portant sur leur uniformisation. « Ils attendent quoi ? Qu'il y ait mort d'enfant ou quoi », s'emporte Mériem, même si depuis le début de l'année scolaire une présence policière est perceptible aux abords du collège. Cet exemple n'est pas le seul à traduire l'inquiétude des Oranais devant les problèmes de la circulation mais également il y a lieu de noter le ras-le-bol des automobilistes locaux et ceux de passage par les rues de la ville devant des « dos d'ânes» qui mettent à rude épreuve leurs suspensions. «Déjà qu'ils nous font payer la vignette, le contrôle technique et la taxe sur les véhicules neufs et ils n'ont même pas daigné poser des ralentisseurs qui n'agressent pas nos voitures », s'indigne Toufik, au volant de son taxi. Il pointe un doigt accusateur vers les locataires de la mairie d'Oran, coupables de tous les maux. En effet, et dans la tradition de la gestion urbaine des affaires de la ville, le ralentisseur traduit, le plus souvent, la réaction tardive des autorités après un ou plusieurs accidents mortels de la route touchant tel ou tel quartier. La pose des «dos d'ânes» est devenue, au fil des faits divers, synonyme de révolte des riverains excédés par la mort d'un voisin fauché par un chauffard en mal de vitesse. Les derniers ralentisseurs mis en place ces deux dernières années, à travers les rues d'Oran, témoignent des drames survenus sur le bitume urbain. Ainsi la série de ralentisseurs qui ont fleuri, tout au long de la rue Buyat à Victor Hugo (Tirigou), est née suite à la mort de deux écoliers et de leur tante après avoir été percutés par un bus. A Dar el Beïda, au niveau de l'hôpital militaire, aux Amandiers en direction d'el Hassi ou au rond-point d'el Bahia qui a déjà endeuillé plusieurs familles quelques mois seulement après l'inauguration d'un ouvrage d'art, les ralentisseurs ont fait leur apparition sous la pression des habitants qui n'hésitent plus à occuper la voie publique pour attirer l'attention des responsables sur les dangers de la route. Aux lendemains de ces manifestations, qui dégénèrent parfois, les services communaux de la voirie sont appelés en urgence pour poser les «dos d'âne» sans, généralement, respecter les normes en vigueur. Devant cette anarchie «asphaltique», les pouvoirs publics ont, semble-t-il, décidé de passer à l'offensive en essayant de réglementer la pose des ralentisseurs en les uniformisant et d'infliger des amendes corsées pour les citoyens qui s'autoproclament ingénieurs en travaux publics et procèdent à l'installation de dos-d'ânes devant leurs domiciles. Cette substitution citoyenne aux lois de la République trouve toute sa lecture dans l'argumentaire développé par des riverains excédés de voir leur espace transformé par des automobilistes égoïstes et dépourvus de sens de civisme en véritables boulevards empruntés aux heures de pointe. Une situation qui a poussé nombre de locataires des cités à ériger des barricades pour barrer l'accès de leurs pâtés de maisons comme cela s'est vu aux Castors ou encore à Essedikia. Pourtant, et à l'heure actuelle, les textes de lois ne sont pas appliqués sur le terrain et les ralentisseurs continuent de pourrir la vie aux automobilistes qui, à chaque secousse, n'oublient pas de dire tout haut ce qu'ils pensent des gestionnaires locaux de leur ville.