Censés être une solution provisoire, les ralentisseurs, qui sont généralement posés au lendemain de manifestations de protestation, s'inscrivent alors dans la durée et finissent par épouser les contours du quartier. “Regardez, les automobilistes ne freinent même pas à l'approche du collège !” peste Meriem, une mère de famille. Comme elle, la majorité des parents d'élèves scolarisés au CEM Rahal-Abbès, un quartier populaire d'Essedikia, craignent pour la sécurité de leurs enfants. “Au moins qu'ils sécurisent les abords immédiats”, s'inquiète Maâmar, venu attendre son fils et ses deux neveux, nouvellement inscrits au collège. D'autres voix les imitent pour dénoncer ce qu'ils qualifient de “laisser-aller” des responsables locaux. “La moindre des choses, c'est que les services de la voirie procèdent à la pose de ralentisseurs à même de dissuader les chauffards de piquer des pointes de vitesse à l'approche de l'établissement scolaire”, propose encore Maâmar, qui a récupéré sa “cargaison” entre temps. La sortie de plusieurs centaines d'élèves en même temps peut provoquer à la longue des accidents de la route surtout si l'on sait que la rue où se trouve le CEM est également un carrefour de plusieurs lignes de transport en commun. Avec un nouveau revêtement de la chaussée, les riverains ont vu avec inquiétude la disparition des dos-d'âne , ils attendent toujours avec impatience la pose d'autres ralentisseurs plus conformes avec le décret portant sur leur uniformisation. “Ils attendent quoi ? Qu'il y ait mort d'enfant ?”, s'emporte Meriem. Cet exemple n'est pas le seul à traduire l'inquiétude des Oranais devant les problèmes de la circulation. Il y a également le ras-le-bol des automobilistes locaux et ceux de passage par les rues de la ville devant des dos-d'âne qui mettent à rude épreuve leurs suspensions. “Déjà qu'ils nous font payer la vignette, le contrôle technique et la taxe sur les véhicules neufs et ils ne sont même pas fichus de poser des ralentisseurs qui n'agressent pas nos voitures”, s'indigne Toufik, au volant de son taxi. Il pointe un doigt accusateur vers les locataires de l'APC d'Oran, coupables de tous les maux. En effet, et dans la tradition de la gestion urbaine des affaires de la ville, le ralentisseur traduit le plus souvent la réaction tardive des autorités après un ou plusieurs accidents mortels de la route touchant tel ou tel quartier. La pose des dos-d'âne est devenue, au fil des faits divers, synonyme de révolte des riverains excédés par la mort d'un voisin ou d'un enfant fauché par un chauffard en mal de vitesse. Les derniers ralentisseurs mis en place ces deux dernières années, à travers les rues d'Oran, témoignent des drames survenus sur le bitume urbain. Ainsi la série de ralentisseurs qui ont fleuri, tout au long de la rue Buyat à Victor Hugo (Tirigou) est née suite à la mort de deux écoliers et de leur tante percutés par un bus. À Dar El Beïda, au niveau de l'hôpital militaire, aux Amandiers en direction d'El Hassi ou au rond-point d'El Bahia, qui a déjà endeuillé plusieurs familles quelques mois seulement après l'inauguration d'un ouvrage d'art, les ralentisseurs ont fait leur apparition sous la pression des habitants qui n'hésitent plus à occuper la voie publique pour attirer l'attention des responsables sur les dangers de la route. Aux lendemains de ces manifestations, qui dégénèrent parfois, les services communaux de la voirie sont appelés en urgence pour poser les dos-d'âne sans, généralement, respecter les normes en vigueur. Censé être une solution provisoire, le ralentisseur s'inscrit dans la durée et finit par épouser les contours du quartier. Des esquisses de ralentisseurs, des petits, des grands, de véritables “dos de chameau” embrassant la tôle du véhicule à chaque passage, signalé ou se manifestant au dernier moment en provoquant souvent des carambolages, répondant aux normes ou tout simplement de véritables monticules barrant les rues, les “dos-d'âne”ont fait une bonne fois pour toute l'unanimité contre eux. Saïd Oussad