Depuis l'adoption de la LFC pour 2009, le grief que l'Algérie serait devenue inhospitalière pour l'investissement étranger fait de plus en plus son chemin dans certains milieux. On peut considérer que, d'une façon générale, le gouvernement ne communique pas suffisamment et que l'on a peu entendu les ministres sectoriels en charge de l'économie nationale et du développement dans les débats. La communication institutionnelle est très importante, surtout quand l'opinion publique (sans le concours de laquelle aucune transformation sérieuse de la société ne peut être envisagée) doute, que le patronat n'obtient pas les réponses à des interrogations légitimes et que les nombreux investisseurs étrangers potentiels s'inquiètent de l'instabilité du cadre juridique de leur activité en Algérie. Tous les experts soucieux d'apporter leur contribution au débat économique (et non ceux qui cultivent un pessimisme démobilisateur) considèrent qu'il faut stimuler le secteur privé national et lui réserver la part qu'il peut assumer, non seulement dans les grands travaux d'investissement public mais dans la création de richesses, d'une façon générale. Le Dr Mustapha Mékidèche vient de rappeler que les politiques publiques de stimulation de l'offre, pratiquées depuis 30 ans, n'ont guère donné de résultats probants et déplore, à juste titre, que l'on n'a pas «veillé à la continuité et l'accumulation de l'expertise», à propos des crises qui se sont succédé depuis trois décennies. Encourager le capital national Si le Premier ministre a décidé de relocaliser l'utilisation de la rente pétrolière à des fins d'optimisation, trois séries de raisons l'y ont conduit. 1. La première est le bilan qui a été dressé de dix ans d'ouverture de l'Algérie sur les IDE (2000-2009). Une législation particulièrement incitative (moins instable qu'il n'a été allégué), une fiscalité très attractive, une réglementation des changes très généreuse, des conventions de protection des investissements conclues avec une soixantaine d'Etats, des conventions supprimant les doubles impositions conclues avec une trentaine d'Etats (qui ont profité exclusivement aux entreprises étrangères), n'ont pas permis à l'Algérie de créer suffisamment d'emplois productifs et d'améliorer la qualité de l'offre locale de biens et de services. Certes, l'absence d'une stratégie industrielle n'est pas imputable à l'extérieur. Mais il serait injuste d'en attribuer la responsabilité au Premier ministre actuel, comme l'indique le sens du remaniement ministériel du 28 mai dernier. Ceci dit, ce sont quelque 70 milliards de dollars (hors secteur des hydrocarbures) qui ont pris le chemin de l'étranger sous forme de transfert de dividendes, de royalties et autres rémunérations, liées certes, formellement à la réalisation de l'investissement, mais qui. dans la réalité ont surtout privé l'Algérie de recettes en devises utiles pour la réalisation d'autres projets. 2. La deuxième raison est qu'aujourd'hui les Etats possédant les technologies, le savoir-faire et les capitaux continuent de lorgner le marché algérien. Ni la LFC 2009, ni la LF pour 2010, ni enfin la LFC pour 2010 qui sera bientôt adoptée, n'ont d'effet dissuasif sur le nombre de manifestations d'intérêt pour l'économie algérienne. 3. L'ensemble du patronat algérien (public et privé), les ordres professionnels, les syndicats et plus généralement les experts les plus en vue (M.Mékidèche, A.Lamiri, A.Bouzidi, S.Mouhoubi, F.Yaici, A.Mebtoul, etc.) n'ont de cesse de recommander au gouvernement qu'il associe le capital privé national à l'ensemble des actions de développement économique inscrites au plan quinquennal(2010-2014), de sorte que notre pays dont les réserves pétrolières seront épuisées d'ici 2025, puisse disposer, d'ici là, d'une économie diversifiée, d'une agriculture prospère et d'une élite disposant d'un capital éducatif et cognitif lui permettant de s'approprier les Ntic. Le patriotisme économique instauré, il y a un an, n'est pas un choix idéologique ni ne procède d'un réflexe mimétique inspiré par la montée subreptice du protectionnisme à la faveur de la crise financière mondiale de 2008. Il est une conséquence qui aurait pu être tirée plus tôt par le gouvernement, devant l'inaptitude des IDE à susciter un développement endogène (Cf. les cris d'alarme des Dr Lamiri et Mebtoul en 2006). Les pièges du patriotisme économique Toutefois, pour que le patriotisme économique ne se nourrisse pas d'illusions qui pourraient lui être fatales, il est impératif que le gouvernement Ouyahia garde à l'esprit les contraintes objectives suivantes: a) L'accompagnement financier et bancaire des pouvoirs publics devra être ciblé et ne profiter qu'aux entreprises réputées avoir déjà été mises à niveau (ce qui paraît douteux s'agissant des très petites entreprises). En effet, la préférence nationale ne saurait s'appliquer de façon indiscriminée à tous les opérateurs économiques, sauf à risquer de provoquer les mêmes errements auxquels nous avons assisté pour les opérations du commerce extérieur; b) Dispenser de l'obligation d'ouvrir un credoc les entreprises publiques stratégiques dont la traçabilité des opérations financières avec l'extérieur a toujours été limpide, comme c'est le cas par exemple pour l'entreprise Air Algérie que son P-DG, A. Bouabdellah, a réussi à redresser de façon spectaculaire et qui doit continuer à se développer; c) Evaluer l'impact du montant de nos importations (qui doit diminuer, sous bénéfice d'inventaire, d'au moins 20 milliards de dollars d'ici trois ans) sur la dynamique macroéconomique, en ayant égard au déficit budgétaire et celui de la balance des paiements courants, ce qui suppose un suivi méthodique de l'évolution des dépenses publiques, lequel devra passer, à notre avis, par la suppression du nombre de niches fiscales dans les LF pour 2011 et 2012. d) Favoriser une plus grande concurrence dans le marché des services afin d'obtenir une baisse des prix, tout en continuant à sanctionner sévèrement les fraudeurs et les barons de l'import qui sont parvenus, jusqu'ici, à se jouer de tous les contrôles et des réglementations les plus draconiennes. Toutes ces mesures sont censées favoriser un meilleur pilotage économique, l'implication de tous les opérateurs économiques et attirer les seuls IDE utiles. Ce pari, le Premier ministre a le devoir de le gagner. (*) Professeur d'université [email protected]