Une vision techniciste, en vogue ici ou ailleurs, semble vouloir réduire l'évolution et le développement à son aspect strictement économique. Elle oblige responsables et gestionnaires à avoir chaque jour les yeux rivés sur les courbes du chômage, les indicateurs de l'investissement ou de l'inflation. Il suffirait d'augmenter tel indice, améliorer tel taux pour garantir bonheur et prospérité. Poussés à l'extrême, ses thuriféraires voudraient même faire table rase du patrimoine réduit à des vieilleries sans grande valeur à l'ère des nouvelles technologies parées de toutes les vertus. Dans notre pays, on voit déjà les dégâts d'une telle conception dans certaines villes à caractère pittoresque ou historique. La frénésie de la construction s'est faite au détriment du patrimoine architectural ou archéologique. Il y a pourtant longtemps que des économistes avertis ont mis en garde contre les limites d'une telle politique. Elle sacrifie le bonheur sur l'autel de la rentabilité au point que certains d'entre eux ont suggéré de calculer en lieu du PIB, un produit national du... bonheur. Qu'en est-il dans notre pays ? En visite dans la région du Touat, le ministre des Ressources en eau, Hocine Necib, a affirmé, hier, que « le secteur prend soin et s'emploie à préserver les foggaras en tant que ressource hydrique et patrimoine, national et humain, de valeur ». Un observatoire des foggaras, créé en 2011 sur la base des recommandations d'un séminaire international organisé alors sur ce système hydraulique traditionnel, s'emploie à classer celui sous la supervision de l'Agence nationale de gestion intégrée des ressources hydriques. Il a entamé son travail par un recensement exhaustif des foggaras à travers les régions du Touat, Gourara et Tidikelt, où elles se concentrent, et la collecte d'informations, socio-historiques et physiologiques inhérentes à ce procédé traditionnel d'irrigation des palmeraies et jardins en milieu oasien. Le ministre a fait part, à cet effet, de la création d'une commission d'experts et de techniciens afin d'élaborer une fiche technique de chaque foggara et dégager les financements nécessaires à leur préservation. C'est la même logique qui sous-tend depuis quelque temps la politique de renouveau rural. Il ne s'agit pas seulement d'augmenter les rendements agricoles mais de revitaliser des espaces ruraux en jachère. Equilibre De plus en plus, on parle de développement durable. Il ne s'agit pas seulement d'un effet de mode. Les processus d'industrialisation, l'exploitation effrénée des ressources ont généré partout des effets pervers. L'Algérie, vaste pays aux multiples paysages, au patrimoine diversifié, devrait tenir compte de l'équilibre entre les impératifs de la croissance et la préservation des ressources, d'une part, et de la valorisation de son patrimoine, d'autre part. Le schéma national d'aménagement du territoire intègre ces données pour réhabiliter les potentialités des territoires dont chacun a ses spécificités. L'artisanat, les sites touristiques valorisés, peuvent constituer des gisements pour la création d'emplois. C'est dans cet esprit que s'inscrivent la multiplication des fêtes locales et la mise en valeur des savoirs locaux et ancestraux. Cette option est l'un des axes de la relance du tourisme. La loi impose depuis quelques années une étude d'impact sur l'environnement dans tout acte d'investissement. Les maisons de l'environnement sont conçues comme des espaces d'accompagnement de cette politique. A cela s'ajoute l'intérêt pour les énergies renouvelables à qui la baisse des prix du pétrole donne une résonance particulière.