À mi-chemin entre la ville côtière de Tigzirt et Tizi Ouzou, la localité de Boudjima, chef-lieu de la commune éponyme, n'est plus le village qu'elle était et n'est pas encore une ville. Son marché s'y tenait les jeudis à l'ombre des eucalyptus rasés. Sur les lieux ombragés ont surgi des bâtiments et de multiples commerces (habillement, téléphonie mobile, vins et spiritueux....). L'étroite ruelle mal entretenue qui file vers les hauteurs d'où l'on a une imprenable vue sur la mer distante d'une douzaine de kilomètres s'encombre presque à toute heure. L'anonymat n'est pourtant pas encore de mise. A des dizaines de kilomètres, on se connaît, on se salue. C'est dans cette modeste bourgade que l'APC en coordination avec la LADC, (ligue des activités dramatiques et culturelles) l' Association culturelle des amis du bassin méditerranéen (ACABM) et des associations locales organisent, depuis jeudi dernier, un salon du livre qui est déjà à sa deuxième édition. Quand on arrive devant la modeste bibliothèque d'un étage, lieu de ralliement des éditeurs et auteurs, on songe à ce proverbe arabe qui veut qu'on « trouve souvent dans les fleuves ce qu'on ne trouve pas dans la mer ». On croise des poètes, de nombreux auteurs venus rencontrer des lecteurs, dédicacer leurs œuvres. Abderrahmane Djelfaoui, Lazhari Labter ne cachent pas leur bonheur d'être là, d'être à la rencontre de cette Algérie profonde où « l'on découvre la soif de dialogue, de connaissance des gens », nous dit le premier. Beaucoup de livres en français, arabe et tamazight et plus rarement en anglais sont offerts à la curiosité des lecteurs. On peut certes regretter que des maisons « cotées » comme Casbah, Barzakh ou Chihab n'y soient pas représentées, mais toute la panoplie des éditions locales comme l'Odyssée, Kerdja, Tira de Béjaïa, Amel, la Pensée sont là. El Ibriz, Koukou, Apic sont également venues. Les uns se rapprochent des autres, échangent, nouent des relations. Là, Salima Hiréche venue de Rouen, parfaite arabisante cherche à contacter un éditeur du pays pour ses CD de poésie chantée et ses recueils en français dont un est déjà paru chez Belda. Un peu plus loin. Chabane Imache dédicace son livre sur son père, Amar, grand militant de l'étoile nord Africaine. D'autres auteurs devaient arriver, notamment Amine Zaoui qui, a évoqué, vendredi dernier en fin d'après-midi, la figure et le parcours d'Assia Djebbar. Louisa Aït Hamou, du réseau Wassila animera aussi une conférence sur l'auteur des « enfants du nouveau monde ». Hand Sadi entretiendra l'assistance de son livre autour de la polémique qui a suivi la parution en 1952 du premier roman de Mouloud Mammeri « La colline oubliée ». Beaucoup de lycéens font le tour des stands, interrogent ou repartent avec un roman ou des annales. Point de protocole dans ces lieux où le maire se mêle à la foule, prend parfois le temps d'assister à une conférence ou à des lectures de textes dans une aile réservée à cette activité. Venu de Saïda un groupe accompagnera en musique les déclamations d'Aïcha Bouabaci. La poétesse Fouzia Laradi connue pour ses compositions en arabe populaire devrait prendre le relais. On peut sans doute regretter que le volet conférence ne traite pas de thèmes en arabe ou amazighe, langues que semblent mieux maîtriser les jeunes, et de préoccupations liées à leur âge. Jeunes et volontaires Dans cette région de Tigzirt, il faut sans doute souligner le rôle d'une association basée à Dijon et dirigée par Mme Assia Yacine, une fille du pays. Enseignante à l'INA d'El Harrach, elle a quitté l'Algérie sous la menace terroriste. Depuis janvier 1999, elle a envoyé 32.553 livres au profit des bibliothèques de la région, notamment celle de Boudjima inaugurée en 2013 mais aussi d'Ighil Ali (Béjaïa) et de Laghouat. D'autres initiatives citoyennes se font jour. Jeudi en milieu de journée, un groupe d'une quinzaine de Français est arrivé à bord d'un bus de l'Onat. Ils font partie de l'association 4ACG (association des anciens appelés en Algérie et leurs amis contre la guerre). Ils disent, pour reprendre les mots du président de l'association, Alain Desjardin, « tisser des liens d'amitié, de partage avec les peuples qui ont tous besoin de vivre dans la liberté et la dignité ». Emus, le président de l'APC de Mizrana et M. Desjardins ont plaidé pour le renforcement de ces liens et le second a évoqué les échanges de jeunes pour mieux se connaître. L'association se trouve associée dans un projet de construction d'un foyer pour jeunes à Tala Mimoun, un village à l'orée de la forêt de la Mizrana fleurie ces jours-ci. « Nous finançons chaque année à hauteur de 7.000 euros diverses associations en Algérie (Constantine, Mostaganem, Alger, Tizi Ouzou) et à Ghaza », nous explique un des membres de l'association ravi par la chaleur de l'accueil de la population de ce village comptant à peine un millier d'habitants. Les jeunes dynamiques et volontaires de l'association Imghan (Plantes) ont construit un foyer de jeunes que l'Association « Un livre une vie » alimentera en ouvrages grâce à l'ACABM, son relais dans la ville de Tigzirt. C'est autour d'un couscous au poulet que s'est achevée la première journée (jeudi dernier). Escortée par les éléments de la Sûreté nationale de la région qui retrouve paix et sécurité, la délégation a continué vers Tigzirt avant de rallier Azzefoun, Béjaïa, Sétif et Constantine. De retour à Boudjima, la nuit commence à tomber et les stands se vident à partir de 17 heures.