L'accusé principal dans l'affaire Khalifa Bank a affirmé, jeudi dernier, que le procès n'est pas légal du fait que le liquidateur n'a toujours pas terminé sa mission. En outre, il fait savoir au juge que le travail du liquidateur est illégal car, selon lui, il doit engager deux commissaires aux comptes pour que ces derniers attestent de son bilan final. « Le liquidateur lui-même exige l'engagement de deux commissaires aux comptes comme prévoit la loi mais rien n'a été fait. Donc sur quelle base je vais être jugé ? », s'est demandé Abdelmoumène Khelifa. Il ira jusqu'à dire qu'on lui a retiré illégalement l'agrément de l'activité de la banque car, selon lui, rien ne justifie la mise en faillite de Khalifa Bank. « Avant mon départ à l'étranger, j'ai laissé plus de 95 milliards DA dans les banques, soit près de 1 milliard de dollars », a-t-il précisé. Abdelmoumène Khelifa annonce même qu'il va demander la réouverture du siège de la direction de Khalifa Bank pour récupérer les différents bilans d'activités prouvant, selon lui, que l'établissement jouissait à l'époque d'une bonne gestion. Gold Cards et billets d'avion gratuits Lors de l'audition, le juge demande à l'accusé comment et pourquoi offrait-il des billets gratuits à ses clients, notamment parmi les responsables des entreprises publiques qui avaient placé l'argent de leurs sociétés à Khalifa Bank. « Nous offrons des réductions sur le billet d'avion à nos clients. C'est une méthode universelle connue dans le monde », répond l'accusé. « Ce n'est pas des réductions mais une distribution de cartes pour des voyages gratuits », rectifie le juge. « Non, on n'a jamais offert des cartes de gratuité. Ce n'est pas possible car la compagnie est contrainte de payer les taxes à l'aéroport », argumente l'accusé au juge qui insiste sur la gratuité des billets d'avion preuve à l'appui. « Certains responsables de la compagnie ont offert ce genre de billets gratuits mais la responsabilité leur incombe. Franchement, je ne savais pas qu'il y avait des cartes de voyage gratuites », explique encore l'accusé. Le juge revient à la charge et évoque encore le taux d'intérêt exagéré qu'offrait la banque aux clients sans prendre en compte le risque de faillite. Réponse : « Nous sommes une banque et pour que cette banque existe, elle doit avoir le maximum de clients. On avait comme clients des institutions et des entreprises publiques et privées et bien d'autres. On n'a jamais connu de défaut de paiement. Le client dépose son argent et il peut le retirer à tout moment. On n'a jamais fait face au risque de cessation de paiement. Les comptes de la banque étaient toujours crédités jusqu'au 31-12-2002 et on a le bilan. » Questionné sur le transfert des devises représentant le bénéfice de Khalifa Airways estimé à l'époque à plus de 100 millions d'euros, l'accusé justifie cela par le fait que 10% du bénéfice restait en France pour l'exploitation de la compagnie et 90% étaient rapatriés en Algérie dont 50% en devises et 40% en dinars algériens. « Tout se faisait selon la loi algérienne. D'ailleurs c'est pour cette raison que j'ai eu des problèmes avec les autorités françaises qui me reprochaient de transférer des fonds illégalement vers l'Algérie car elles estimaient que le bénéfice de la compagnie a été réalisé en France et par conséquent devait rester en France », souligne-t-il. La villa de Cannes : « Un investissement » Sur le sponsoring du sport national et en particulier du football, Abdelmoumène Khelifa a tenté d'expliquer les techniques de cette opération de marketing, en affirmant qu'à l'époque, le pays ne disposait pas d'argent car les prix du pétrole étaient bas. « On a aidé presque toutes les équipes de football et d'autres disciplines pour leurs déplacements à bord de nos avions. On a même sponsorisé l'EN et aidé le Mali durant la CAN-2002 pour transporter ses joueurs à bord de nos avions », a expliqué l'accusé en suggérant au juge d'interroger le journaliste Maâmar Djebour, « car il est mieux placé pour répondre au moindre détail puisqu'il était le responsable du sponsoring de Khalifa à l'époque ». Le magistrat l'interroge sur le transfert de 45 millions d'euros illégalement en France pour l'achat de la villa de Cannes. Khelifa précise que la villa a été achetée légalement à 33,5 millions d'euros. Il explique encore que c'est un investissement fait par la compagnie Khalifa Airways. « La villa a été revendue à 17 millions d'euros par la liquidatrice alors qu'elle est estimée à près de 100 millions d'euros », affirme l'accusé. Par la suite, le juge donne la parole aux défenseurs des entreprises qui se sont constituées en partie civile. En prenant la parole, Me Bourayou, qui défend la BDL de Staouéli, a interrogé Khelifa sur deux crédits d'une valeur de 71 millions DA et 2 millions DA dont il aurait bénéficié, selon les déclarations de son client devant le police judiciaire en 2004. Cette question a provoqué la colère de l'avocat de l'accusé, Me Nacer Eddine Lezzar, qui a reproché à Me Bourayou de se mettre dans le rôle du juge. Face à la polémique entre les deux avocats, le juge interrompt l'audience pour quelques minutes. A la reprise, Me Lezzar, qui avait 66 questions à poser à son client, a demandé au juge s'il pouvait reporter sa plaidoirie à dimanche prochain. Une requête acceptée par le président du tribunal. Toutefois, ce dernier annonce à l'assistance que le procès reprendra avec l'audition du notaire Rahal. « Nous allons commencer avec les autres accusés et aucun avocat n'aura le droit de poser des questions à Khelifa jusqu'à ce qu'on termine avec tous les accusés », précise-t-il