Qu'il fasse beau ou chaud, qu'il vente ou qu'il pleuve et même fasse froid, Beni Saf se vit comme elle se présente. Toujours égale à elle-même, cette ville côtière de la wilaya de Aïn Témouchent, T'mouchent dans la prononciation locale, n'aura pas usurpé sa réputation de région touristique par excellence. Avec son joli port, elle entretient cette saveur marine que les gens de la mer savent si bien étaler et partager. Et puis, que dire de ce coquet village de pêcheurs dénommé Sagla, qui descend en pente vers l'océan et où le métier se lègue de père en fils. Tout un patrimoine sauvegardé, vaille que vaille, des tumultes d'une vie qui dépend de ce que la mer veut bien céder. Non sans dommages. Quand elle ne ravit pas aux siens, enfants et proches. Beni Saf, ce sont ces petits restaurants qui longent la côte en proposant des tables bien garnies de poissons frais et bien cuisinés. Y a qu'à demander et le tour est joué, à la braise, en friture ou en sauce, les crustacés mettent l'eau à la bouche, servis avec un sourire large comme ça. Un cocktail bien choisi qui embaume le palais et enchante le regard. On en oublie dès lors la cherté de ce poisson qui ne se mange plus comme jadis où il était vendu dans un couscoussier, tel que cédé dans le quartier par le vendeur à la criée. Mais le plaisir se fait double lorsque face à cette table ornée de sardines, la mer même rugissante fait bonheur à regarder. Une pluie battante, sans intermittence, finit par s'incruster dans le décor et faire fi du soleil qui rend plus gaie cette ville colorée. Car, ici, les maisons au style colonial bordent la grande rue et à chacune sa couleur. Chatoyante et généreuse. Parfois même aux tons flamboyants. Beni Saf rappelle Cuba et laisse entendre par les noms donnés aux petites plages qui l'encerclent des sonorités bien méditerranéennes, Madrid, Bouida ou encore la plage du puits, Rive Gauche, Pedra Plata, Paloma, Balcone, le Pain de Sucre. Zouanif, Bokhabora, l'Hacienda, Boulitchi, La Marmite. Des plages qui portent également pour la plupart des noms de saints, dont les mausolées entourent la ville. Hormis la plage des roses, dénommée aussi Oued Hallouf, qui n'a rien à voir avec cette caractéristique de sainteté, et on lui préfère d'ailleurs l'ancienne appellation plutôt. Il y a donc Sidi Boucif, mais aussi Sidi Jloul, Sidi Yacoub, Sidi Breik... de belles criques bonnes à vivre. Mais incontestablement, c'est Rechgoun qui ravit la vedette à cette panoplie de plages toutes investies durant l'été sans discontinuer. Et ceux qui ne sont pas avares de leur temps et de leur énergie se déplacent à près de 15 kilomètres de là, à la rencontre de Rechgoun. Cette autre plage réputée de Beni Saf en a séduit plus d'un. Car, lorsqu'on a croisé un jour, au détour de son chemin de vacances, ce bout de mer, où les rochers viennent se nicher sur le rivage même, on ne peut qu'y revenir et s'y prélasser. On veut la revoir chaque été, tant elle accroche, s'accroche et pour ne pas au bout du compte se faire oublier. Des jeunes, des couples en profitent toute la journée même en temps de pluie. Quitte à se réfugier sous le porche d'une maison fermée pour la saison, sur le perron d'un hôtel également clos. Une manière de faire corps avec cette île, pour répondre à cet isolement affrété par pareil endroit, même si aujourd'hui, Rechgoun s'est fait connaître à profusion. Une très belle plage que l'on atteint allègrement de Beni Saf et de Tlemcen, et où on y vient notamment des villes de l'ouest du pays et aujourd'hui, de plus loin, de la capitale aussi. Rechgoun est aussi appelée Layella, cette presqu'île, accessible par bateau à près de trois quarts d'heure. Ce quai romain est surmonté d'un phare et renferme des espèces rares d'oiseaux, avec ce clin d'œil écologique riche en flore et en faune à protéger absolument. Une véritable réserve naturelle déclarée zone humide pour en prendre soin et l'entretenir selon les préceptes adoptés par Ramsar, chargée mondialement de retenir les sites maritimes à protéger. Plus loin, un petit bois qui invite au farniente. Des familles y font une halte autour d'un pique-nique ou d'un barbecue, des tables et des bancs en céramique plantent le décor. Les enfants ont aussi leur coin de jeux. Des parties de foot réunissent les plus grands. Mais il est bien regrettable que ce lieu connu et apprécié des riverains ne soit pas entretenu. Les visiteurs y laissent leurs ordures qui parsèment ce coin ombragé et aménagé. Même l'autorité locale semble de guerre lasse l'avoir abandonné.