Les montagnes commencent à retrouver leur aspect poudreux avec la montée de la chaleur, à leur pied les amoncellements de pierrailles et de terre arrachés par l'érosion. Mais elles restent toujours aussi raides, au point de presque réussir à décourager bien des prétendants à l'escalade. Presque, car les randonneurs venus avec l'association Assirem Gouraya, attirés par la promesse d'une belle promenade par une toute aussi belle journée, après le premier soupir devant la rudesse de la tâche, ne se sont pas laissés aller à laisser tomber. Ath Felkaï, du côté de Derguina, une soixantaine de kilomètres à l'est de Bejaïa. Pays enclavé, délaissé, presque abandonné. La majeure partie des habitants de ce hameau a préféré « descendre » en ville. Vivre là-haut n'est pas de tout repos, y compris aujourd'hui, avec tous les moyens dont on peut disposer. Le bitume existe, sur une route où les automobilistes doivent rejouer à chaque fois « le Salaire de la peur ». « Pour habiter ici, il vaut mieux avoir des ailes », commente un randonneur. Il en reste pourtant des gens qui tiennent à préserver le patrimoine laissé par les ancêtres. Ici, la forêt et la montagne ne sont pas que des concepts écologiques. Ils se conjuguent aussi avec l'histoire et la culture, raison pour laquelle, d'ailleurs, Assirem Gouraya a placé cette « aventure » d'un jour, sous le thème « histoire et patrimoine pastoral ». Nous sommes le 8 mai. Les enfants, rassemblés dans la cour de l'école du coin, à la levée du drapeau national, entonnent l'hymne national. « C'est la première fois que le 8 mai 45 est célébré ici », avoue un professeur en remerciant Assirem Gouraya pour cette initiative. L'occasion pour donner un cours d'histoire, même rapide, par les différents intervenants à la nouvelle génération qui a également pu s'informer, à travers une exposition, des différents sites naturels et des potentialités fauniques et sylvicoles de leur région. Cela avant d'être invité à un concours, sur les berges encore verdoyantes d'une rivière aux eaux bavardes, où ils devaient faire étalage de leur talent de dessinateurs. L'occasion aussi d'honorer un vieux couple de moujahidine sur la terre où ils ont vécu ces durs moments de sacrifices. Les autres ? Ils découvraient ces lieux en prenant des selfies à arborer comme des trophées sur les réseaux sociaux. La randonnée pouvait commencer. Amar Rabhi, le président d'Assirem Gouraya, promettait, comme un arracheur de dents, que le parcours serait facile. Enfin, pas trop difficile. Mais il faut marcher à la queue leu leu pour éviter des accidents. Bref, tout le monde était averti. Quelque mètres de grimpette et déjà les premiers soupirs de découragements. Ça glisse, ça pique et ça monte, à n'en plus finir. A flanc d'une montagne qui s'effrite jusqu'en bas de la rivière. La tentation de souffler et de profiter du panorama est contrariée par la nécessité de garder son équilibre, malmené par une position peu confortable. Plus bas, beaucoup plus bas, la rivière serpente parmi la roche polie et les lauriers roses qui poussent à profusion. Encore un effort et tout le monde arrive, entier, sur une crête d'où chacun peut admirer la magnifique cascade qui chute dans une cuvette aux eaux limpides. Spectacle éblouissant sous le soleil radieux. Les plus audacieux dévalent la pente pour faire partie de cet éclaboussement de beauté qui s'offre gracieusement aux regards. Les plus téméraires plongent dans les eaux cristallines...et quelque peu glaciales. Mais découvrir n'est rien si les sites ne sont pas préservés. Les randonneurs ont fait l'effort d'allier les deux. A ceux qui suivront leurs pas de suivre également leur exemple. Ils seront les bienvenus chez les Ath Felkaï. C'est de tradition. Comme chacun, durant cette journée mémorable, a pu le constater à loisir.