Le collectif contre un 3e mandat (un millier d'associations de la société civile et les deux centrales syndicales), qui a qualifié l'injonction du Conseil national de sécurité, exigeant un « arrêt immédiat et sans condition » de la protesta et un « déblayage » sous 48 heures de toutes les barricades érigées au Burundi, de « déclaration de guerre au peuple », ne décolère pas. Pis, depuis hier, il est renforcé par des centaines de manifestants dans le centre-ville « contre les violations des lois fondamentales » du pays et l'accord de paix d'Arusha. Signé en 2000 pour mettre fin à la guerre civile au Burundi, cet accord stipule que le président « est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois » et que « nul ne peut exercer plus de deux mandats présidentiels ». Exode des réfugiés, possible intervention militaire rwandaise : si elle s'embrase, la crise burundaise pourrait avoir de graves conséquences sur la très instable région des Grands Lacs, préviennent les analystes. L'Union africaine, qui a en mémoire les massacres interethniques et la longue guerre civile (1993-2006) qui ont marqué l'histoire postcoloniale du Burundi, se mobilise. Elle a envoyé, samedi dernier, une délégation de haut niveau à Bujumbura pour réitérer l'appel pressant de la présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana Dlamini Zuma, pour que tous les acteurs concernés fassent preuve de « la plus grande retenue » et s'engagent dans un « dialogue sincère et constructif » afin de surmonter les graves difficultés de l'heure. Dirigée par Edem Kodjo, ancien secrétaire général de l'Organisation de l'unité africaine, ancien Premier ministre togolais et membre du groupe des sages de l'UA, la délégation a, dans son agenda, des entretiens avec l'ensemble des autres parties prenantes, y compris les partis politiques, la société civile et les autorités religieuses. Comprenant aussi le professeur Ibrahima Fall, ancien ministre des Affaires étrangères du Sénégal et ancien sous-secrétaire général des Nations unies, la délégation de l'UA devait rencontrer les représentants de la communauté internationale dans la capitale burundaise et l'envoyé spécial des Nations unies pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit. La Communauté d'Afrique de l'Est (Burundi, Rwanda, Kenya, Ouganda, Tanzanie) prévoit une réunion au sommet demain à Dar es Salam, en Tanzanie. Le procureur de la Cour pénale internationale de La Haye, Fatou Bensouda, a publié, vendredi dernier, un communiqué où il annonce que la Cour « suivra de près les événements au Burundi dans les semaines à venir et prendra note de tout acte de violence ou de toute incitation à la violence ». Aux Nations unies, la représentante américaine, Samantha Power, a fait état d'informations crédibles, selon lesquelles des armes sont distribuées aux miliciens qui soutiennent le président Nkurunziza. A l'issue d'une réunion à huis clos du Conseil de sécurité consacrée vendredi dernier au Burundi, elle a affirmé que Washington n'hésitera pas à imposer des sanctions aux responsables de nouvelles violences. Comme l'Union africaine, l'Union européenne et les Etats-Unis demandent au gouvernement burundais de reporter les élections. « Nous avons encouragé fortement le gouvernement burundais à prendre des mesures d'apaisement, et l'idée d'un glissement du calendrier électoral serait à nos yeux une bonne chose », a déclaré l'envoyé spécial de l'UE pour la région, Koen Vervaeke, s'exprimant aussi au nom de la Suisse et des Etats-Unis lors d'une réunion mensuelle entre les Européens et le gouvernement auxquels se sont exceptionnellement joints les deux autres pays. Au cours de cette réunion, les Pays-Bas et la Suisse ont aussi annoncé la suspension de leur aide électorale au Burundi, se joignant à une précédente déclaration faite dans le même sens par la Belgique, ex-puissance colonisatrice du pays. Le président Nkurunziza a déposé, vendredi dernier, son dossier de candidature à la présidentielle du 26 juin au siège de la commission électorale Il affrontera huit candidats, dont Agathon Rwasa, principal opposant et chef historique des FNL, la plus ancienne rébellion hutue. La campagne électorale des législatives et communales du 26 mai, qui précèdent la présidentielle du 26 juin, a été officiellement ouverte dimanche dernier.