Les eaux boueuses cachent les rejets mortels que charrie, à contrecœur, Oued Soummam, jusqu'à la Méditerranée. Boulimat, destination privilégiée d'estivants éblouis par l'harmonieuse rencontre de la montagne et de la mer, puis dépités à la vue, comme une verrue au milieu du nez, d'une décharge publique fumante. Bejaïa-ville. Egouts à ciel ouvert, prolifération de rats et amoncellements d'ordures révélateurs d'une déficience manifeste dans la gestion des déchets. Sur la côte est, aussi loin que l'on aille, le sable des plages cède sous les tapis de bouteilles en plastique et autres décombres. Les bas-côtés des routes, dans la vallée et jusqu'au sommet des montagnes, sont jonchés de milliers de bouteilles et cannettes... Bejaïa, finalement, croule autant sous les éloges que sous les immondices. Destination touristique privilégiée, pour ses sites incomparables, elle donne l'impression de s'être résignée à être spectatrice de son humiliante dégradation. Les associations de défense de l'environnement ne sont pas en manque. Y compris dans les villages les plus reculés qui, d'ailleurs, présentent un visage plus propret. Mais quel que soit le volontarisme qui puisse animer ces associations, leurs actions se confinent à la sensibilisation ou le symbolisme. Des actions à la mesure de leurs moyens. Assainir et préserver l'environnement relève d'une autre dimension. Les pouvoirs publics sont souvent mis à l'index dans ce cas. Bejaïa, pourtant, ne peut se cacher derrière cet argument. Deux milliards de dinars finançant 18 opérations, dorment encore dans les caisses. Censés en finir avec les décharges sauvages qui pullulent sur son territoire, les projets de réalisation de 5 centres d'enfouissement techniques, 6 décharges contrôlées et un incinérateur, patinent. Des projets qui sont victimes de l'action timorée de l'administration et... de l'opposition des citoyens. Le seul CET existant, celui de Sidi Boudrahem, qui a été lancé après moult péripéties en 2010, peine encore à être fonctionnel. Le projet d'un investisseur qui veut réaliser une unité de traitement et de recyclage des déchets ménagers, avec l'apport technologique d'un partenaire espagnol, d'une capacité de traitement de 14 tonnes par heure, n'arrive, en dépit du soutien de l'APC de Tazmalt, toujours pas à démarrer et la centaine d'emplois prévus restent de l'encre sur papier. Dès qu'on évoque ce genre de projet, les citoyens refusent, mordicus, que l'implantation de ce qu'ils considèrent comme des dépotoirs, se fasse « au seuil » de leurs portes, tout en s'accommodant bizarrement de l'existence de décharges sauvages à leur proximité. Quelquefois, ni les citoyens ni les autorités locales ne sont à mettre en cause. Bejaïa-ville, qui produit quelque 150 tonnes de déchets ménagers peine à assurer leur ramassage en raison d'un parc véhicules insuffisant. L'APC ne souffre pas de difficultés financières, loin de là. Elle dispose de 12 bennes tasseuses et a passé commande de 9 autres, que la SNVI n'arrive pas à livrer depuis plus d'une année ! Bejaïa redressera-t-elle la barre avant qu'il ne soit trop tard et qu'il ne restera aux Béjaouis que leurs yeux pour pleurer la perle perdue ? Bejaïa la touristique préservera-t-elle longtemps encore cette image idyllique qui nourrit un pan important de son économie ? Aux autorités, aux élus, aux citoyens, aux entrepreneurs de la région d'y répondre.