La pièce de théâtre « La voie lactée » (derb etbana), présentée, samedi dernier, en compétition, au 10e Festival national du théâtre professionnel(FNTP), est une tragicomédie en hommage aux artistes et patriotes, victimes de la « tragédie nationale », période cruciale de l'histoire de l'Algérie. Produite par la coopérative culturelle et artistique « Les amis de l'art » de Chlef, la pièce déroulée au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi (TNA), est une adaptation de l'œuvre éponyme du dramaturge et scénariste allemand, Karl Wittlinger (1922-1994), mise en scène par Missoum Laroussi. Le spectacle d'une heure et demie retrace les péripéties d'un patriote, un personnage incarné par Fouad Bendoubaba, qui a perdu sa mémoire, ses biens et son identité, après une absence qui aura duré dix années. Sa mort supposée, officialisée par la prière de l'absent, donne lieu au partage de ses biens - légués de son vivant et à son insu - à ses proches et habitants du village. De retour, le patriote entame un parcours épouvantable pour retrouver, en vain, son « identité perdue », attribuée à une autre personne. Ses multiples tentatives et démarches inabouties pour restituer son identité le conduisent droit dans un asile psychiatrique, sur avis d'un médecin (Slimane, rôle incarné par Rabia Ouadjaout). En filigrane, la pièce met en évidence le devoir de mémoire envers les patriotes, les artistes et toutes les victimes de la tragédie nationale. La douloureuse « période sanglante » des années 1990 s'était soldée, notamment, par la disparition de plusieurs artistes et dramaturges. « Je dédie ce travail à tous les patriotes et artistes, victimes de la décennie noire, particulièrement à deux comédiens disparus : Kheireddine Amroune et Samir Ouadah », a précisé le metteur en scène. « La voie lactée » est une tragicomédie interprétée par sept comédiens qui ont concrétisé sur scène la notion du « théâtre dans le théâtre ». En d'autres termes, « La voie lactée » est un spectacle dans lequel les comédiens jouent une pièce de théâtre à l'intérieur même de la pièce. Le jeu des comédiens, parfaitement répartis dans l'espace scénique, est tellement fascinant et spontané que le public a applaudi leur prestation. Sabrina Khalifa, Benouada Nakaa, Akram Bouchoucha, Kamel Belbioud et Khaled Kerbour ont fait preuve de talent dans l'interprétation de leurs rôles respectifs. Le langage, fluide, accessible et parfois grotesque, est appuyé de mouvements, de mimiques et d'un vocabulaire dérisoire. Le décor, conçu par le metteur en scène lui-même, est original et en totale adéquation avec la thématique de la pièce. La scène sur laquelle évoluent les comédiens est matérialisée par des tabourets et une table blanche à allure d'hôpital.