Parmi les 26.319 candidats qui s'apprêtent à passer, aujourd'hui, à Constantine, les épreuves du baccalauréat, la peur au ventre, il y en a une qui a un défi supplémentaire à relever : celui de décrocher ce diplôme même en étant « rattrapée » par sa fille. Farida Kihal, candidate libre, âgée de 48 ans, armée d'un courage et d'une volonté admirables, a décidé de passer le baccalauréat pour la troisième fois après une « rupture » de 15 ans. « Lorsque j'ai échoué en 1986 après avoir affronté, pour la première fois, le bac dans la filière lettres, j'ai décidé d'abord de ne pas me représenter une nouvelle fois et préféré me marier », raconte cette femme qui regrette aujourd'hui une décision « irréfléchie » prise par « une jeune fille surfant alors sur la vague d'un bonheur improbable, mirage de jeunesse ». Farida se souvient malgré tout avoir vécu une période « à peu près normale, avec des hauts et des bas, pendant (ses) premières années de femme mariée », avant que le « mektoub » ne la conduise à un divorce à l'amiable. Vivant seule depuis 17 ans, Farida a assumé la lourde responsabilité d'élever ses deux enfants, Lyna (18 ans), celle-là qui l'a « rattrapée » à l'examen du bac, et Charaf (20 ans). Après un parcours émaillé de nombreuses épreuves, Farida, archiviste dans un établissement public, a fini par se rendre compte, comme elle le confie, que dans la vie, « on n'a rien à la portée de la main », et qu'il ne faut « jamais arrêter de se battre ». La jeune femme (Farida ne fait pas du tout son âge) se présente de nouveau à l'examen du baccalauréat en 2000, mais ce fut encore un échec. « Un échec qui faillit me détruire car ce second déboire s'ajoutait à mon premier échec dans ma vie de couple ». Combative, Farida a néanmoins pu transcender cette période difficile grâce à ses proches et a fini par décrocher, 11 ans après, un diplôme de DEA de français à l'Université de la formation continue où elle s'était inscrite en 2008. « Un diplôme qui me prouve que je n'étais pas aussi nulle que pourraient le laisser supposer mes deux échecs au bac », dit-elle avec un sourire. Un sourire qui s'épanouit davantage lorsqu'elle avoue que c'est sa fille Lyna, qui vient de souffler sa 18e bougie, et qui s'apprête à passer le bac série lettres et philosophie, qui l'a incitée à se présenter pour la troisième fois. Farida, qui confie avoir tiré beaucoup de leçons de ses expériences passées, souligne que l'insistance de sa fille a réveillé en elle ce vieux rêve : obtenir une licence en sciences de l'information et de la communication. Ce matin, comme les 8.356 candidats libres dans la wilaya de Constantine, Farida, forte du soutien indéfectible de ses deux enfants, sera bien au centre d'examen Abdelhamid-Benbadis à la cité Emir-Abdelkader. Cette maman-courage aura la chance exceptionnelle de passer l'examen en même temps que sa fille en rêvant de pouvoir célébrer un double succès le 10 juillet prochain, date à laquelle seront connus les résultats. Farida, comme pour démontrer qu'elle a convenablement révisé ses lettres, conclut en citant l'écrivain français Gilbert Cesbron : « Il est souvent nécessaire d'entreprendre pour espérer et de persévérer pour réussir. »