Bien que le général de Gaulle ait déjà en septembre 1959 reconnu le droit à l'autodétermination pour les Algériens, les années qui suivront seront longues pour sa mise en œuvre. Les séries des contacts, puis des négociations engagées avec le FLN pour aboutir aux accords d'Evian, en témoignent. Le front intérieur s'embrase sous la houlette des colons et des pieds noirs, avec la naissance des ultras regroupés au sein de la sinistre OAS (Organisation de l'armée secrète) renforcée par des éléments de l'armée. Mais de Gaulle avait déjà enregistré les premiers actes d'hostilité de la part de l'armée, lorsqu'il avait décidé de remplacer le général Massu à la tête du corps de l'armée à Alger. C'est la semaine des barricades et du putsch des généraux qui a eu lieu du 24 janvier au 1er février 1960. Les dirigeants de l'armée voulaient exprimer leur désaccord avec la politique de De Gaulle. D'ailleurs, au fur et à mesure que les négociations entre le gouvernement français et les représentants du FLN progressaient, l'OAS se distinguait par une série d'actes de sabotage, d'assassinats, d'incendies, de destruction d'édifices ... On se souvient de l'assassinat de l'écrivain algérien, Mouloud Feraoun, avec ses collègues, de l'incendie de la bibliothèque de l'université d'Alger, de l'attentat commis au port d'Alger, des opérations de destruction d'archives ... Depuis que le cessez-le-feu a été décidé, à partir du 19 mars 1962, par les négociateurs d'Evian, le 21 mars 1962, l'OAS commença à cibler aveuglément et les citoyens algériens et les représentants des institutions françaises. Elle proclame dans un tract que les forces françaises sont considérées « comme des troupes d'occupation ». L'Organisation va jouer son va-tout pour torpiller le processus de sortie de guerre, négocié par les deux parties et inscrit dans les accords d'Evian. Ses activistes vont chercher à relancer la guerre pour faire capoter le cessez-le-feu, empêcher l'organisation et la tenue du scrutin programmé pour marquer l'indépendance de l'Algérie. Ainsi, à partir du 22 mars, des interventions de commandos armés contre des civils algériens et des appelés du contingent français, sont enregistrées un peu partout. L'armée et les partisans de l'Algérie française s'affrontent dans des batailles à Bab-El-Oued, fief des pieds noirs, et une fusillade a eu lieu aussi à la rue d'Isly (Larbi Ben M'hidi actuellement.) Pour ne pas laisser un vide et pour préparer la transition, le FLN et le gouvernement français mettent en place, en avril 1962, un exécutif provisoire chargé de gérer la situation et préparer le référendum d'autodétermination en Algérie. L'Exécutif provisoire était constitué de douze membres, six personnalités françaises et six algériennes, trois seulement étaient du FLN. Il était présidé par Abderrahmane Farès, l'ancien trésorier du FLN. Il a été installé, le 7 avril, à Rocher Noir, actuellement Boumerdès (60 km d'Alger), une ville qui deviendra le siège administratif de l'Algérie à la veille de son indépendance. Mise en place d'un Exécutif provisoire pour préparer le référendum d'autodétermination Abderrahmane Farès est secondé dans cette mission par un Français d'Algérie, Phillip Roth, en tant vice-président de l'Exécutif. Il était député de Skikda. Farès avait déclaré que « notre devoir est d'appliquer et de faire appliquer par tous et par tous les moyens, et quel qu'en soit le prix, dans le moindre détail et toutes les conséquences, les accords d'Evian ». Mais les difficultés n'ont pas manqué de surgir devant cette instance qui devait faire face à la politique de la terre brûlée pratiquée par la sinistre organisation de l'OAS - qui connaît alors sa phase la plus violente - et le peu de moyens, selon les historiens. L'exécutif avait la charge, durant les trois mois à venir, d'assurer surtout l'organisation du référendum d'autodétermination du 1er juillet 1962 dans de bonnes conditions, et de la mise en place des nouvelles institutions algériennes. Parmi les grands événements qui allaient tenter de saborder ce travail, la main destructrice de l'OAS, si bien qu'un accord avait pu être signé avec l'Exécutif provisoire, au mois de juin. Autre entrave au processus de recouvrement de la souveraineté de l'Algérie, l'exode massif des populations européennes, à qui pourtant les accords d'Evian assuraient une protection et une préservation des droits. Ce départ massif va avoir pour conséquence une hémorragie dans l'encadrement des services publics et dans l'administration. Cet exode semble accéléré par la guerre déclarée par l'OAS qui allait rendre incertain leur avenir en Algérie. Selon des témoignages, beaucoup se mirent à en douter d'ailleurs, à cet instant. S'ajoute à ce sombre tableau, la panique créée suite à des accrochages dans certaines villes comme Oran. Ces derniers se sont soldés par de nombreuses disparitions qu'on a, jusque-là, pas pu justifier, officiellement, sinon les classer dans le registre des règlements de comptes. On cite souvent à ce titre celles qu'a vécues la ville d'Oran, le 5 juillet 1962. Le dossier des disparus est souvent relaté d'une manière régulière par les médias français. Dans un article paru le 28 février 2002 dans le Nouvel Observateur, l'historien français, Benjamin Stora, parle de « coups de feu qui ont éclaté et jeté une population, prise de panique, dans toutes les directions ». L'historien poursuit : « On ignore les causes de la fusillade, on parle d'une provocation des derniers commandos de l'OAS, ou de tireurs isolés appartenant à la communauté européenne, exaspérés devant les manifestations de joie pour l'indépendance. Immédiatement apparaissent des civils oranais... » La fusillade qui a commencé à midi a duré trois heures, et « on tirait à l'aveuglette ». Beaucoup de Français ont été forcés de quitter à la va-vite le pays. Mais, on apprend du même auteur que dans les jours qui suivent, « le FLN reprenait progressivement la situation en main ». Il avait procédé à « l'arrestation et à l'exécution d'émeutiers comme le chef de bande, Attou Mouckdem, qui mettait en coupe réglée le quartier du Petit-Lac et celui de Lamur-Medioni ». Stora reconnaît qu'Oran est aussi une ville où l'OAS locale est la plus virulente. A la différence de celle d'Alger, elle a rejeté les accords passés le 17 juin entre le FLN et Jean-Jacques Susini, l'un de ses principaux dirigeants. Déjà, à l'approche des négociations et de la conclusion des accords d'Evian, l'OAS n'avait pas manqué de multiplier les actions spectaculaires et ce, afin « de creuser un fossé sanglant entre Algériens et pieds noirs ». Le 28 février 1962, un véhicule piégé explose en plein cœur de la Ville-Nouvelle, le quartier musulman le plus important d'Oran. L'attentat - le plus meurtrier de la guerre d'Algérie à cette date - fait 35 morts et une centaine de blessés. D'autres actions sanglantes se succèdent, comme le 3 mars où une vingtaine d'Algériens sont tués. Les commandos de l'OAS multiplient alors le harcèlement des gendarmes, des soldats de contingent, et assassinent jusqu'aux femmes de ménage algériennes. Le 2 mai, des attentats visent simultanément, les ports d'Oran et d'Alger, faisant de nombreuses victimes algériennes. Du 19 mars au 1er juillet 1962, on dénombre à Oran 410 Algériens tués et 487 blessés par l'OAS. En France, le 8 mai 1963, le secrétaire d'Etat aux Affaires algériennes déclare à l'Assemblée nationale qu'il y avait 3.080 personnes signalées comme enlevées ou disparues, dont 18 ont été retrouvées, 868 libérées et 257 tuées essentiellement dans l'Oranie.