Bien que l'on ait divergé sur la position officielle des responsables algériens, Gouvernement provisoire ou CNRA, vis-à-vis de ces contacts, certains estiment cependant qu'ils allaient à cette époque « épargner à l'Algérie de nouveaux massacres d'innocents et des destructions vengeresses inutiles », explique Me Ali Haroun, responsable de la Fédération de France du FLN dans ses écrits (1). L'OAS a dès le départ, c'est à dire au moment où son premier responsable reconnaissait le droit de l'Algérie à l'autodétermination, entrepris une politique de terre brûlée, détruisant tout sur son passage rendant hypothétique le maintien d'une population française poussée à l'exode de crainte d'une cohabitation impossible. D'anciens militaires versés dans les sinistres commandos Delta procèdent à des enlèvements, des perquisitions, desfaux barrages, les armes ne se sont pas vraiment tues. La situation est déjà intenable avec les sept années de guerre. Selon les chiffres cités par Me Ali Haroun, les commissions locales de suivi du cessez-le-feu survenu le 19 mars 1962 ont enregistré à leur niveau, au 25 mai 1962 « des demandes d'enquêtes sur 187.304 disparitions durant la guerre mais aussi après l'arrêt des combats ». Ainsi, les tueries visant les civils, les attentats, se succèdent dans plusieurs points du territoire, au port d'Alger, à la bibliothèque de l'Université d'Alger, à Oran.... Le jeudi 7 juin 1962, un violent incendie se déclare à 12h30 à l'université d'Alger. Des grenades explosent dans les amphithéâtres de chimie, de science, au laboratoire de pathologie. Près de 600.000 volumes et documents sont la proie des flammes, ils étaient préalablement aspergés d'essence par les incendiaires. Les locaux lançaient des flammes visibles à des dizaines de km. La folie meurtrière des éléments de l'OAS atteint le point de non retour. Plusieurs établissements brûlaient le même jour, des écoles comme celle des Beaux Arts, le centre culturel américain, les locaux de l'EGA (électricité et gaz de France), des magasins sont incendiés. La mairie et la poste d'El Biar, l'annexe de la préfecture d'Alger. Dix obus de mortier sont même tirés sur le Palais d'été. Il fallait coûte que coûte créer, selon les observateurs, un climat insurrectionnel de terreur, à la veille du référendum prévu pour le 1er juillet. Inutile de dire que cela a accéléré l'exode, les Français partaient en masse, entre la période du 9 et 23 juin. 5.000 départs quotidiens par bateau et 2.800 par avion sont signalés. Huit cent mille départs étaient enregistrés parmi les Pieds-noirs. Les éléments de l'OAS tentent une sortie « honorable » après avoir semé la désolation. Des contacts sont engagés avec les représentants du FLN, en l'occurrence, M. Mostefai et Abderrahmane Farès de l'Exécutif provisoire. Les historiens parlent d'avantages et de « garanties » que l'OAS voulait arracher au FLN après juillet, c'est-à-dire une fois l'Algérie ayant recouvré son indépendance. Une manière de sauter par-dessus la France officielle du général De Gaule qui a déjà signé les Accords d'Evian. Avec la médiation de plusieurs personnalités, des élus locaux, dont Jacques Chevallier, Jean-Marie Tiné, Abderrahmane Farès, président de l'Exécutif provisoire, et Susini, représentant l'OAS engagent des pourparlers pour faire cesser les tueries. Un tête-à-tête entre les deux personnages eut lieu le 15 mai et un protocole fut rédigé le lendemain où Farès se serait engagé à le faire avaliser par le GPRA. « Mais le rejet, par ce dernier, du principe même de la démarche, l'a conduit à présenter à la réunion du 1er Juin, un contre-projet de quatre pages », explique M Chaouki Mostéfai, dans une lettre ouverte qui se veut aussi une mise au point à Georges Fleury, auteur de « l'Histoire secrète de l'OAS ». L'auteur s'est trompé « sur la composition, l'objet et le compte rendu de la réunion du 1er Juin 1962 » dira M Mostéfai. Le représentant du FLN participera à « l'unique réunion du 15 juin dans la villa de Jean-Marie Tiné, près de l'hôtel ex-Saint Georges à Alger », au cours de laquelle on discutera de l'engagement de l'OAS à « accepter l'Indépendance de l'Algérie, sous réserve d'un certain nombre de garanties supplémentaires ». Celles-ci posaient problème en ce sens qu'elles « dépassaient, en les dénaturant, les accords conclus à Evian ». M Mostéfai rappellera les constantes des organisations du mouvement national algérien, de l'Etoile nord-africaine en 1927 au FLN du 1er Novembre 1954, en passant par le PPA en 1937, le MTLD en 1947, partis nationalistes ou modérés, tous, sans exception, dans leurs programmes politiques, n'ont jamais manqué de « considérer la population européenne comme partie intégrante du peuple algérien, ce que cette dernière, quasi unanimement, a toujours dédaigné, rejeté et combattu. » De plus, explique t-il à Susini, les accords d'Evian ayant assuré l'intégralité des droits des Européens dans une Algérie indépendante, « il n'est guère concevable de reprendre une négociation, devant obligatoirement impliquer le gouvernement Français et le GPRA, et ce, à 15 jours d'un référendum d'auto-détermination dont le résultat ne fait aucun doute, ni d'en reporter la date déjà fixée au 1er juillet 1962 ». La position du FLN est claire à ce sujet à savoir qu'il n'y a guère de place pour « un quelconque protocole politique en addition à ces accords du 19 mars ». Le seul service que « nous pouvons rendre à nos populations et à l'Algérie de demain est de favoriser la réconciliation entre les hommes et les femmes des deux communautés, condamnés à vivre ensemble, dans la justice, l'égalité et la liberté » poursuit -il. Rachid Ouaissa « Les carnets de Hartmut El Senhas », « la Guerre d'Algérie par ses acteurs français ». Editions Casbah