Cette journée inaugurale a été marquée par une exécution musicale menée par un groupe de zorna ( instrument à vent), connu sous le nom de « El Afrah », puis l'ouverture officielle d'une charmante exposition de portraits d'écrivains algériens, visible dans la station de métro d'El Harrach, réalisée par le duo Kays Djilali (photographe indépendant et cadreur) - Khadidja Chouit (journaliste). Chaque portrait photographique est accompagné des mots que l'écrivain a choisi d'adresser au public. Dans cette exposition déclinée sous le thème « Regards croisés sur la littérature algérienne », le public aperçoit le visuel et le textuel, mais aussi trois générations d'écrivains qui se présentent dans la diversité de leurs écritures, de leurs sensibilités et de leur vision de l'Algérie et du monde. Cette exposition a cette ambition de dire une littérature algérienne contemporaine dont les langues d'écriture différentes enrichissent son avancée fondée sur un patrimoine historique et culturel commun. Le public affluait graduellement à la station de métro d'El Harrach. Pour les usagers du métro, « c'est une bonne initiative qui fera profiter les populations, notamment durant la saison estivale », témoigne Asma qui habite la banlieue algéroise. Ishak Boussaâdia, chargé de communication chez RATP El Djazaïr, dira : « Nous en sommes à notre quatrième expérience avec le Feliv. Les précédentes éditions étaient une réussite, notamment chez les jeunes adolescents pour les ateliers de création et de dessin. Cette année, on retrouve des livres d'auteurs algériens et même des ateliers consacrés au jeune public. En parallèle, une autre exposition de livres sera ouverte aujourd'hui (25 juillet) à la placette d'El Harrach. » Initié en 2012, le partenariat entre le Feliv et l'Entreprise du métro d'Alger proposait jusqu'à présent des expositions et des espaces ludiques pour enfants uniquement à l'entrée des stations. Après avoir rejoint la station du Jardin d'Essai puis le téléphérique qui a transporté tout le monde à l'esplanade de Riadh El Feth où se dresse le village du Feliv, une halte a été observée sur divers stands. Puis l'assistance a assisté à un vibrant hommage rendu à la regrettée romancière, académicienne et réalisatrice algérienne Assia Djebar, en présence d'éminents universitaires et de spécialistes de la littérature moderne comme l'intellectuelle algérienne Amel Chaouati, présidente de l'association « Le cercle des amis d'Assia Djebar » qu'elle a fondée en 2005, Najiba Regaieg, enseignante à la faculté des lettres et des sciences humaines de Sousse, Tunisie, Jean Rouaud, romancier français et lauréat du prix Goncourt en 1990. Cet hommage a été rehaussé par la projection d'un montage d'extraits de deux films d'Assia Djebar, en noir et blanc, de 25 minutes : « Nouba des femmes du mont Chenoua » et « La zerda ou les chants de l'oubli », réalisé par Ahmed Bedjaoui. Bedjaoui témoigne « J'ai réalisé un montage d'extraits de deux films de la défunte, d'une durée de 25 minutes sur plus de 2 heures quinze minutes de films qu'elle a réalisés. J'étais à l'époque le producteur de ces deux films. Vu que je connais bien la défunte et son œuvre, j'ai voulu proposer aux gens qui participent à ce festival, les extraits les plus significatifs de ses idées forces. Par exemple, dans le film « La nouba des femmes du mont Chenoua », elle n'a pas voulu montrer cette image d'une femme soignante, mais elle a mis l'accent sur un monde de femmes dépourvues d'hommes. D'ailleurs, le seul homme existant dans le film, il est sur une chaise roulante, il est invalide. C'est donc une inversion du regard », affirme Bedjaoui. « Dans le second film ‘‘La zerda ou le chant de l'oubli'', elle raconte, dit-il, l'histoire du Maghreb. Comment les hommes politiques français, lorsqu'ils visitaient le Maghreb dans les années trente, organisaient des zerdas, des fantasias, en attirant des Algériens pour essayer de montrer d'une manière mensongère qu'ils étaient heureux de leur sort alors qu'ils étaient dans la misère et qu'ils n'avaient qu'une idée, c'était de se libérer du joug colonial. Elle a fait un travail d'historienne, de recherche, elle montre comment le regard des caméras et des photographes nous a figé dans un rôle passif. Voilà les idées forces qu'Assia Djebar défendait. Elle évoque aussi l'émigration, la naissance du mouvement national en Europe après la guerre, comment le colonialisme a provoqué sa propre mort. Il me semble aujourd'hui très difficile de supprimer des séquences au lieu d'autres, mais j'espère que les gens auront l'occasions de voir les films d'Assia Djebar, sachant que l'ENTV n'en a jamais rediffusé de son vivant. A travers cette démarche, j'admire la qualité extraordinaire des œuvres cinématographiques d'Assia Djebar. »