Organisée par l'Association algérienne d'études philosophiques, en collaboration avec le ministère de la Culture, cette rencontre a été placée sous le slogan «Assia Djebar, écrits et prestance». Tout au long de cette journée, une quinzaine d'éminents intervenants se sont relayés pour revenir sur l'œuvre d'Assia Djebar. Dans son intervention, la ministre de la Culture, Nadia Labidi, a réitéré l'engagement de son ministère à traduire l'œuvre complète d'Assia Djebar en langue arabe, ainsi que des autres plumes algériennes ayant fait rayonner la culture algérienne. L'intervention de l'universitaire Mohamed Sari s'est résumée à la position d'Assia Djebar dans ses romans. Elle était confrontée au choix entre le problème de l'autobiographie individuelle et collective. «Elle était, dit-il, hantée par la Révolution algérienne. Elle avait au départ des doutes sur la qualité de ses premiers romans et films. Elle faisait dans une description et une poétique exceptionnelles. Elle était toujours à la recherche d'une Algérie plurielle. C'était une littératrice complexe par sa diversité d'expression». Le romancier Amin Zaoui a souligné qu'Assia Djebar a su réunir, en octobre 2014, une trentaine d'auteurs en langues arabe, française et amazighe au sein du quotidien El Djoumouhria. Ces derniers reconnaissent la présence d'Assia Djebar dans la culture algérienne. Elle est surtout connue dans notre pays à travers la télévision, par le biais des médias et par le mouvement associatif féminin. Cependant, elle est inconnue dans le monde arabe, car, d'une part, ses œuvres ne sont pas traduites, et, d'autre part, elle n'est pas programmée dans les universités. Le conférencier révèle que le dernier projet qu'avait entamé la défunte est l'écriture d'un livre sur Saint Augustin. L'universitaire, producteur et critique de cinéma, Ahmed Bedjaoui, est revenu, quant à lui, sur le parcours cinématographique et les blessures qu'a subies l'écrivaine. L'orateur confie qu'Assia Djebar a toujours rêvé d'être une cinéaste mais, hélas, elle en a été empêchée. Pour cette artisane et orfèvre des mots, le cinéma était un moyen d'expression pour traduire ses idées. L'ayant produit pour ses deux films, La Nouba des femmes du Mont Chenoua (1978) et La Zerda ou les chants de l'oubli (1982), Ahmed Bedjaoui regrette qu'elle n'ait pas pu faire d'autres films, car elle a présenté d'autres projets cinématographiques. Elle a été bloquée. Toujours selon Ahmed Bedjaoui, elle se voyait comme une cinéaste et auteure. «Quand son premier film est sorti, cela avait déplu à certains réalisateurs. Ils l'ont attaquée de toutes parts. En 1989, quand son film est sorti, il y a eu un lynchage au niveau de la Cinémathèque d'Alger et par la suite une pression au Festival de Carthage pour que le film ne décroche pas de prix. Les voix se sont tues quand le film en question a décroché le premier prix de Venise pour laisser place à la reconnaissance». «Il faut dire aujourd'hui que je suis dans un double sentiment de voir sa mémoire réappropriée par des gens, mais en même temps de rage devant la haine qui l'a accompagnée toute sa vie. Très peu de gens l'ont défendue quand elle est rentrée à l'Académie française. L'Algérie a perdu une grande réalisatrice. Elle pouvait nous donner plus, mais...», se désole-t-il. L'universitaire Rafifa Brehahi a, dans son intervention, donné des précisions par rapport à la langue arabe que connaissait Assia Djebar. Juste après son poste de chef de département de français à la fin des années 70', elle avait bénéficié d'une bourse de perfectionnement de la langue arabe à Tunis. Elle a également séjourné à Paris, activant au sein du Centre culturel algérien de Paris. «Elle circulait d'un espace à un autre entre l'Algérie, la France, la Tunisie, le Maroc et l'Allemagne. Son passage aux Etats-Unis l'a beaucoup marquée, notamment à l'université de New York. En 1999, elle avait soutenu sa thèse de doctorat d'Etat à l'université de Monpellier, laquelle a été publiée chez Albin Michel», dit-elle. La défunte a commencé par l'écriture de son roman La Soif, en 1957, et elle a terminé avec Nulle part dans la maison de mon père, en 2007. Ainsi, elle a cumulé 50 années d'écriture avec 22 titres. L'oratrice a souligné qu'Assia Djebar est la seule des écrivains algériens ayant récolté une vingtaine de distinctions et de prix en Europe et aux Etats-Unis, mais aucun en Algérie. Dans sa communication intitulée «Assia Djebar, le sistre des voix recluses», Affia Brehri a soutenu que tous les romans d'Assia Djebar détiennent une dimension historique et révolutionnaire. «L'histoire de l'Algérie est devenue le leitmotiv d'Assia Djebar. La dimension autobiographique fonctionne comme le fil d'Ariane, garantissant l'invariabilité de la permanence dans certains discours. L'œuvre d'Assia Djebar est l'héritage du beau», conclut-elle.