Victime d'un attentat suicide qui a fait 32 morts à Suruç, dans le sud-est du pays, le 20 juillet, Ankara qui a mis sur un même pied le PKK et Daech, à la surprise de tout le monde, a évoqué l'article 4 du Traité de l'Atlantique Nord pour justifier la convocation de cette réunion extraordinaire au niveau des 28 ambassadeurs. Cet article autorise un membre de l'Otan à demander des consultations à ses alliés en cas de menace pour son intégrité territoriale. Il semble toutefois diversement apprécié à Ankara et Bruxelles. La Turquie qui a donné son feu vert à l'utilisation de la base d'Incirlik aux avions américains qui bombardent en Syrie et en Irak, laisse entendre par la voix de son Premier ministre, Ahmet Davutoglu que son offensive aérienne contre les bases arrières du PKK dans le nord de l'Irak et celles de Daech en Syrie est menée pour « changer l'équilibre » dans la région. « La présence d'une Turquie susceptible d'utiliser efficacement la force peut permettre de changer l'équilibre en Syrie, en Irak et dans toute la région », déclare Davutoglu ordonnant dans la foulée une série de bombardements contre les bases arrières du PKK dans le nord de l'Irak. « Au lieu de s'en prendre aux positions occupées par les terroristes de Daech, les forces turques attaquent nos positions de défense », dénoncent les Unités de protection du peuple (YPG) kurde qui sont de l'avis de tous les observateurs, à la pointe du combat comme Daech et al-Qaïda en Syrie. « Nous disons à l'armée turque de cesser de tirer sur nos combattants et leurs positions », ajoute YPG soupçonnant le président Recep Tayyip Erdogan qui a supervisé vendredi un coup de filet sans précédent contre près de 900 militants présumés du PKK de l'extrême gauche, de complicité avec les terroristes. Ankara dément. Selon elle, les positions kurdes ne font pas partie des objectifs de ses opérations militaires. Même si le mouvement kurde a revendiqué cette semaine une série d'attaques meurtrières contre des policiers et des soldats turcs dans le sud-est et annoncé la fin de la trêve en vigueur depuis 2013. « Nous ne voulons pas voir Daech à la frontière turque », martèle Davutoglu. « Les opérations en cours visent à neutraliser des menaces contre la sécurité nationale turque (...). Si le PYD, le principal parti kurde de Syrie, coupe ses liens avec le régime du président syrien Bachar al Assad, et ne représente pas de menace pour la Turquie (...) il peut rejoindre le mouvement pour une Syrie démocratique », dit-il mais « s'il essaie de procéder à un nettoyage ethnique de la région (...) les choses seraient différentes », prévient Davutoglu. Ankara qui n'a pas inscrit à l'ordre du jour l'envoi de troupes terrestres en Syrie, accuse les Kurdes de procéder à un « nettoyage ethnique » dans les zones qu'ils contrôlent et s'inquiète de la création d'une entité autonome kurde qui lui serait hostile à sa frontière sud. « Les rebelles du PKK n'ont jamais mis fin à leurs actes terroristes mais le processus de paix n'est pas enterré pour autant », tempère le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu. Selon ce dernier, « le régime (syrien) est la cause de l'apparition de Daech, d'autres organisations terroristes et de la radicalisation ». « Je ne m'attends pas à ce que (les Turcs) demandent une contribution militaire concrète », a indiqué à la télévision norvégienne NRK le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg. « La Turquie a une armée très puissante » et « il n'y a pas eu de demande en vue d'un appui militaire substantiel de l'Otan », dit-il dans un entretien téléphonique avec la BBC. Et de rappeler que l'Otan a déployé, début 2013 dans le sud-est de la Turquie, des missiles Patriot pour contribuer à la défense antiaérienne du pays. Autre rappel du « patron » de l'Otan à l'endroit d'Ankara : tout en se félicitant qu'Ankara se soit résolument engagé dans la lutte contre Daech, il estime que les bombardements turcs contre les positions du PKK, dans le nord de l'Irak, doivent « être proportionnés ». « Depuis des années, il y a des progrès dans le travail visant à une solution politique pacifique entre la Turquie et la rébellion kurde. Il est important de ne pas y renoncer », explique-t-il à la télévision norvégienne NRK.