Photo : Fouad S. Le Premier ministre, M. Ahmed Ouyahia, a présenté, hier, devant les membres du Conseil de la nation, la déclaration de politique générale du gouvernement, après avoir effectué cette formalité à l'Assemblée populaire nationale, en octobre dernier, en vertu de l'article 84 de la Constitution. Pendant plus d'une heure, le Premier ministre est revenu sur les motifs justifiant sa venue devant les sénateurs, en s'étalant arguments et chiffres à l'appui sur les acquis concrétisés lors de l'année écoulée et les perspectives envisagées. Cette déclaration, concernant un bilan de 18 mois, dira-t-il de prime abord, recouvre la jonction entre la fin d'un programme quinquennal, pour ne pas dire d'une décennie complète d'efforts, et le démarrage d'un programme d'investissements publics totalisant plus de 21.000 milliards DA, soit plus de 280 milliards de dollars pour les années 2010 à 2014. Ouyahia défend de ce fait la thèse «que nul progrès ne serait durable s'il n'était continuellement entretenu par l'effort et s'il n'était périodiquement consolidé par l'adaptation et par la prospective». TERRORISME : «LES GROUPUSCULES DE CRIMINELS N'ONT AUCUN AVENIR» Le Premier ministre revient, en premier, sur le côté sécuritaire, en affirmant que le rétablissement de la sécurité et l'avènement de la concorde puis de la réconciliation nationale constituent des réussites fondamentales de notre pays durant cette décennie. Le terrorisme a été défait grâce à l'engagement «admirable et exemplaire» de notre armée et de nos forces de sécurité, indique-t-il en affirmant que le gouvernement s'incline avec respect devant la mémoire des martyrs du devoir national. De l'avis d'Ouyahia, «le terrorisme fait désormais l'objet d'une condamnation unanime dans notre pays. Il ne saurait prétendre à un quelconque alibi politique et se trouve plus que jamais réduit à sa seule vocation criminelle. Les groupuscules de criminels qui survivent encore n'ont aucun avenir», tonne-t-il en appelant la population à plus de vigilance, car le terrorisme se caractérise par «la lâcheté». Avant de conclure ce chapitre, Ouyahia réitère son appel à ceux qui persistent dans cette voie, pour abandonner la violence contre leur peuple et leur pays, rallier le chemin de la réconciliation et saisir la main de la république clémente qui leur demeure tendue». «L'ALGERIE PEUT REALISER ELLE-MÊME SON DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE» Au plan économique, Ouyahia n'y va pas avec le dos de la cuillère pour faire comprendre aux investisseurs étrangers attirés seulement par nos richesses, que «l'Algérie dispose d'atouts importants pour réaliser elle-même son développement économique». Et d'enchaîner : «L'Algérie n'a pas besoin de privatiser pour assurer l'équilibre de ses finances publiques. Elle n'est pas aussi dans l'attente des investissements directs étrangers pour consolider sa balance des paiements. Par contre, elle est en quête de l'apport extérieur, dans le cadre de partenariats, pour satisfaire ses besoins en technologies, en savoir-faire, en gestion de qualité et en ouverture de marché à l'étranger». D'un ton plus ferme, Ouyahia rassure «que la détermination de notre pays à insérer son économie dans celle du monde ne saurait servir de passage pour transformer notre pays en comptoir commercial. Elle ne devrait pas également servir d'alibi pour cantonner le capital et l'initiative privée dans la spéculation et les activités parasitaires, par crainte de ne pouvoir survivre face à la compétition avec les productions étrangères sur le marché national». LA FIN DU SOUTIEN À L'INVESTISSEMENT PUBLIC «L'Algérie n'injectera plus trois à quatre mille milliards de dinars annuellement dans l'investissement public. Celui qui croit cela hallucine, a-t-il annoncé, par ailleurs, en faisant remarquer que si l'Etat n'était pas intervenu pour réguler le processus d'importation, l'année en cours serait achevée avec une facture de 50 milliards de dinars, seulement en produits de consommation. Ce qui va, selon lui, complètement à l'encontre du taux des réserves de changes. «Il faut que tout le monde sache qu'il n'y a pas de perdant ou de gagnant dans ce pays. Nous sommes tous perdants ou gagnants. Alors laissons nos consciences juger de la situation actuelle», lance-t-il à l'adresse des investisseurs nationaux, qui, d'après lui, ne jouent pas le jeu. Ce qui a réduit à rien «la valeur du produit national». Ouyahia est convaincu que «la protection de l'investissement national est source de souveraineté et d'indépendance. Cette question est l'affaire de tous et non pas une question de lois», dira-t-il en soulignant en ce sens «qu'il est question de mener une bataille d'arrière garde» en vue de faire face aux appétits voraces qui guettent nos ressources, «qui nous aident à garder la tête bien haute». Le Premier ministre a fait, par ailleurs, un constat de la situation économique nationale dans ses forces et ses faiblesses, relevant en premier lieu la nécessité de «démultiplier» la participation de la sphère économique pour relancer la croissance, dans la mesure où la dépense publique d'investissements «ne sera pas toujours récurrente». Il a appelé, à cet égard, le capital privé national à s'engager davantage dans l'investissement productif, la création de richesses et d'emplois, et la participation à la croissance. OUYAHIA À L'ADRESSE DE CERTAINS JOURNALISTES : «NE BROUILLEZ PAS NOS CARTES» À propos du processus de privatisation, le Premier ministre tranche une bonne fois pour toutes que la propriété sera accordée aux nationaux et non pas aux étrangers. Il expliquera toutefois que le gouvernement ne glane aucun profit lorsqu'il introduit de nouvelles mesures protectrices. Ouyahia sollicite en ce sens la presse, qui doit, selon lui, «cesser de plaider de manière indirecte pour un projet émanant de l'Union européenne ou autre». «Ne brouillez pas nos cartes. Cela ne sert pas l'intérêt national», recommande-t-il. Abordant la question de la corruption, M. Ouyahia a estimé que les nouvelles dispositions législatives (relatives à la lutte contre ce fléau, à la répression du trafic des changes et au renforcement du rôle de la Cour des comptes, notamment) sont là pour «confirmer la détermination du gouvernement, conformément aux orientations présidentielles, d'aller davantage de l'avant dans cette lutte contre le crime économique...» S'agissant de l'intérêt accordé à la réforme du service public, le Premier ministre a noté que la modernisation de l'administration, le recours aux nouvelles technologies de l'information, le renforcement du rôle des collectivités locales, à travers, notamment, le projet de révision du Code communal, devant être suivi, sous peu, de celui relatif au Code de la wilaya, «participent tous d'une démarche à laquelle d'importantes ressources sont consacrées dans le programme quinquennal d'investissements publics». En somme, Ouyahia est optimiste puisqu'il a affirmé que les objectifs du précédent programme présidentiel ont été «largement concrétisés».