Tout comme les accidents de la circulation, les noyades font désormais partie du quotidien des citoyens de ces régions en cette saison estivale. Avec ses cinq grands barrages et ses nombreux lacs et retenues collinaires, la wilaya de Aïn Defla n'échappe assurément pas au phénomène des noyades des enfants et des jeunes notamment durant la période estivale où le mercure frôle les 45 degrés à l'ombre. Plus de 80 morts recensés depuis 2010 Donnant l'impression de lieux paisibles et tranquilles, les retenues collinaires et les barrages sont pourtant extrêmement dangereux en raison de la vase qui attire irrésistiblement le baigneur vers les profondeurs pour le condamner définitivement sous l'eau. En outre, le fait que ces retenues d'eau soient remplies de boue y rend la nage difficile, une situation qu'exacerbe la variation de la profondeur d'un endroit à un autre et qui, ajouté à un malaise brusque ou à un épuisement, est souvent à l'origine des noyades. Selon le responsable du service prévention à la direction de la protection civile de Aïn Defla, le capitaine Ali Benyahia, 83 corps sans vie ont été repêchés depuis l'année 2010 des barrages de la wilaya par les plongeurs de ce corps constitué. « Rien que depuis le début de l'année en cours, 13 personnes ont péri à la suite de noyade dans les barrages et retenues collinaires de la wilaya », dit-il, faisant remarquer que le bilan risque de s'alourdir en raison de la chaleur sévissant. « Au moment où nos services sont alertés et le temps mis pour arriver sur les lieux du drame, la personne est déjà morte », relève-t-il, tout en mettant en évidence l'importance du travail de sensibilisation pour éviter que de nouvelles tragédies ne se produisent. Chaleur et oisiveté : des facteurs qui nourrissent le phénomène Outre l'insupportable chaleur de l'été, le manque de loisirs au niveau des endroits les plus reculés de la wilaya fait que nombre de jeunes n'ont aucun moyen pour s'occuper sainement et passer le temps en cette période de vacances scolaires. A l'instar de bon nombre de wilayas de l'intérieur du pays, les rues des villes de Aïn Defla sont quasiment vides à la mi-journée en raison de la chaleur suffocante qui y règne, poussant les jeunes à « se débrouiller » comme ils peuvent pour fuir la canicule étourdissante. « Nous savons qu'il est dangereux de se baigner dans les eaux du barrage ou d'une retenue collinaire, mais que voulez-vous, nous n'avons pas où nous rafraîchir. Nous aurions aimé passer des vacances à Tipasa ou à Alger mais faute de moyens, nous nous rabattons sur ces endroits », soutient Ahmed, un collégien de 13 ans. Cet adolescent affirme par ailleurs que des « gueltas », faisant office de piscine, constituent le point de mire des jeunes en quête d'évasion notamment durant le week-end. « Certains, comme pour imiter ceux qui plongent à partir d'un rocher (à la plage) n'hésitent pas à se jeter dans l'eau du haut des arbres se trouvant à l'intérieur du barrage, ne mesurant pas les dangers qu'ils encourent », note-t-il. Parents : un rôle capital dans la prévention Même si le plus souvent, les jeunes se rendent aux barrages en vue d'y nager à l'insu des parents, il n'en demeure pas moins que ces derniers doivent être vigilants et faire preuve d'anticipation en sensibilisant leur progéniture sur les dangers encourus par la fréquentation de pareils endroits, ont affirmé de nombreuses personnes rencontrées. « Le fait que l'enfant ne dise jamais à son père qu'il va se rendre au barrage constitue assurément une reconnaissance implicite de sa part du caractère dangereux de ces lieux », relève Abdelkader, dont le neveu a payé de sa vie ses folies au barrage d'Ouled Mellouk l'année dernière. Selon lui, un père de famille doit être « aux aguets » et repérer toute velléité d'acte néfaste de la part de sa progéniture, reconnaissant toutefois que « surveiller constamment son enfant partout n'est pas chose aisée notamment pour celui qui travaille loin de chez lui. » « Bien des jeunes nagent de manière parfaite à la mer ou à la piscine mais au niveau du barrage, c'est la métamorphose. Les spécificités de ces retenues d'eau (boue, présence d'arbres, de cavités, de constructions) ajoutées à la fatigue font que la moindre négligence peut s'avérer fatale », avertit-il. Les piscines de proximité à la rescousse Outre la mise en place d'un programme spécial d'initiation à la nage au profit des enfants des zones reculées de la wilaya au niveau des piscines de Khsmis Miliana et de Aïn Defla, la réalisation de piscines de proximité constitue l'une des solutions aux noyades dans les barrages, affirme le responsable de la direction locale de la jeunesse et des sports (DJS), Mohamed Lamine Bakhti. « Disposant de toutes les commodités et assurant une détente sans risque, ces piscines permettront aux jeunes des endroits enclavées de la wilaya de passer d'agréables moments loin de la chaleur accablante qui règne dehors », observe-t-il. Dans ce cadre, le premier responsable du secteur de la jeunesse et des sports à l'échelle locale a fait état de la mise à la disposition, prochainement, des jeunes des zones reculées de la wilaya, pendant cette saison estivale, de 10 piscines démontables. « A défaut d'être au bord de la mer, le jeune pourra néanmoins nager dans des conditions de sécurité optimales loin de tout risque », assure-t-il. De son côté, le chargé de communication de la DJS, Chebbab Benyoucef, a fait état de l'ouverture prochaine d'une piscine au niveau du complexe sportif de proximité de la commune d'El Abbadia, à l'extrême nord-ouest de la wilaya, ce qui, relève-t-il, épargnera aux jeunes leur présence dans et aux abords des barrages au péril de leur vie.