La ville mythique du Sud, Bassorah, gronde à son tour. Elle a pris le relais de Baghdad et d'autres grandes localités du Centre, comme Najaf, Kerbala et Hilla, pour dénoncer l'incompétence de la classe politique et la corruption. Depuis plusieurs semaines, des milliers de personnes se rassemblent pour réclamer un changement en profondeur et une amélioration des conditions de vie des populations privées d'électricité au moment où le baromètre affiche 50° C. Ce mouvement de protestation généralisé, qui traduit la défiance des partis politiques, représente également un coup dur pour le gouvernement, majoritairement chiite, confronté à la grogne du Grand-Sud qui reste son vivier électoral. « Le système est corrompu jusqu'à la moelle. La Constitution est décrépitée, le cadre législatif est inadapté et la classe politique totalement corrompue et incompétente », fustige Zaïd Al-Ali, constitutionnaliste et auteur de « La lutte pour le futur de l'Irak ». Face à la déliquescence du nouvel Irak, la riposte a été engagée pour lancer des réformes d'envergure exigées par la plus haute autorité chiite, l'ayatollah Ali Al-Sistani. Dans un prêche prononcé lors de la grande prière à Kerbala, il a sommé le Premier ministre, Haïder Al-Abadi, d'« être plus audacieux et courageux ». Il s'agit, en fait, de faire le grand ménage. Lutter contre la corruption, protéger la justice sociale, et surtout demander des comptes aux partis politiques et donner les noms de ceux qui se mettent en travers des réformes. Immédiatement, le Premier ministre, qui se prépare à un nouveau bras de fer avec son rival Nouri Al-Maliki destitué de son poste de vice-Président, s'engage à procéder à des réformes. Dans le plan de réformes, approuvé à l'unanimité par le gouvernement lors d'une session extraordinaire, la suppression des 3 vice-présidents et des 3 vice-premiers ministres se légitime par la nécessité de substituer à la pratique des « quotas de partis et de confession » le mode de nomination des responsables fondés sur « leurs compétences, leur honnêteté et leur expérience » et sélectionnés par un comité désigné par le Premier ministre. Une longue bataille politique se dessine. En attendant, l'épreuve parlementaire, suscitée par l'examen des amendements constitutionnels préconisés par le Premier ministre, le nouvel Irak amorce un virage décisif qui met en jeu le double défi d'Al-Abadi tenu de préserver le socle communautaire et le consensus dans le camp chiite miné par la lutte pour le leadership au sein de la Daâwa. Tout acquis à la réconciliation sunnite, le Premier ministre réussira-t-il les réformes de tous les enjeux pour conforter le front irakien dans la lutte commune contre le Daech ?