Le chef du Parlement irakien Salim al-Joubouri a appelé lundi au limogeage des ministres coupables de négligence et de corruption, à la veille de l'examen par les députés de réformes destinées à apaiser la colère des Irakiens excédés par la mauvaise gestion du pays. Outre la grogne sociale et les troubles politiques, l'Irak reste miné par les violences avec une nouvelle série d'attentats dont deux attaques suicide à la voiture piégée qui ont fait au moins 33 morts dans la province de Diyala, au nord-est de Bagdad. Deux des attentats, qui ont visé des quartiers majoritairement chiites, ont été revendiqués par le groupe jihadiste sunnite Etat islamique (EI) qui a saisi des pans entiers du territoire irakien depuis juin 2014, et multiplié les attentats sur les zones qui lui échappent. Lasse des violences et de la mauvaise gouvernance, la population irakienne est descendue dans les rues ces dernières semaines pour réclamer des changements. Après l'approbation dimanche par le gouvernement d'un ambitieux plan de réformes proposé, sous la pression de la rue, par le Premier ministre Haider al-Abadi, le Parlement est appelé à débattre mardi, avant de le voter à une date non précisée. Visant à réformer en profondeur le fonctionnement de l'Etat, le plan prévoit la suppression de postes importants, la réduction du train de vie des fonctionnaires et l'amélioration des services publics dans un pays miné par ailleurs par les dissensions confessionnelles et les violences jihadistes. "Nous appelons le Premier ministre à démettre de leur fonction les ministres qui sont clairement coupables de manquements, de négligence et de corruption", a indiqué M. Joubouri en rencontrant les partis politiques à Bagdad.
Appel à approuver les réformes M. Joubouri n'a pas cité de noms, mais un responsable parlementaire a indiqué que ceux des ministres en charge de l'Electricité et des Ressources hydrauliques avaient été mentionnés, alors que les coupures d'électricité sont fréquentes dans un pays où les températures dépassent les 50° Celsius l'été. Il a demandé aux blocs parlementaires d'approuver les réformes, en soulignant que des mesures complémentaires au plan Abadi étaient nécessaires et seraient discutées mardi. Ces réformes sont destinées à répondre au mécontentement de la population qui manifeste depuis plusieurs semaines dans Bagdad et le sud du pays pour protester contre la corruption généralisée de la classe politique et la mauvaise gouvernance. L'ayatollah Ali al-Sistani, la plus haute autorité chiite d'Irak, a lui aussi poussé le Premier ministre à "être plus courageux et plus audacieux" dans la lutte contre la corruption qui gangrène le système politique. La plus drastique des réformes est la suppression "immédiate" des postes des trois vice-Premier ministres et trois vice-présidents, dont Nouri al-Maliki, prédécesseur de M. Abadi et son principal rival. M. Maliki, dont les huit années au pouvoir ont été entachées d'accusations de corruption, d'autoritarisme et d'aliénation de la minorité sunnite, a toutefois apporté son soutien "à ces réformes nécessaires". En coulisses Le plan porte également sur la "réduction immédiate et globale" du nombre très important de gardes du corps des officiels et la suppression des "provisions spéciales" allouées aux hauts responsables, en poste ou à la retraite. Plusieurs dossiers de corruption, anciens ou récents, seront en outre rouverts. Il prévoit aussi l'abolition "des quotas confessionnels" et propose que les responsables ne soient plus choisis selon leur appartenance confessionnelle ou ethnique mais selon "leurs compétences, honnêteté et expérience". En Irak, où la communauté chiite est majoritaire, le chef de l'Etat est un Kurde, le Premier ministre est un chiite et le chef du Parlement un sunnite, conformément à un accord tacite. Pendant le règne de l'ex-président sunnite Saddam Hussein, chiites et Kurdes ont été opprimés. Aujourd'hui c'est la communauté sunnite qui s'estime marginalisée. Ces rancoeurs ont été mises à profit par l'EI qui, dans certaines régions conquises, a opéré avec la complaisance des tribus sunnites. "Je m'attends à ce que les propositions soient formellement approuvées avec peut-être un ou deux amendements", a dit Zaid al-Ali, constitutionnaliste et auteur de "La lutte pour le futur de l'Irak". Mais d'ajouter: "je m'attends aussi à ce que les partis politiques qui contrôlent le Parlement et le gouvernement travaillent en coulisses pour empêcher un réel changement".