Le Daech veut faire de la Libye du chaos destructeur un sanctuaire. Et pour ceux qui en doutent encore, le carnage de Syrte révèle la pertinence des prédications de Mouammar Kadhafi alertant sur les conséquences de la déstabilisation à grande échelle de l'intervention militaire de l'Otan : le naufrage en haute mer des desperados partis à l'assaut de l'Eden européen ou la mort. La décapitation et la crucification des combattants salafistes et des tribus rebelles de Farjane renseignent sur le diktat de Daech. Plus qu'une simple hérésie, la menace terroriste est inscrite dans le processus de décomposition pompeusement qualifié de « printemps arabe » qui a constitué une opportunité historique pour la nébuleuse terroriste de prendre ancrage dans le terreau fertile du chaos programmé et de s'imposer par la terreur. Dans la bataille qui fait rage depuis le 11 août pour le contrôle de Syrte, la montée en puissance de Daesh a réprimé dans le sang toute velléité de contestation clairement exprimée dans l'assassinat de l'imam rebelle de la puissante tribu des Farjane et la mise en échec de l'offensive lancée, mardi dernier, par les autorités de fait de Tripoli « pour libérer Syrte ». Une « véritable guerre » qui a fait, selon l'ambassadeur de Libye à Paris, Chibani Abouhamoud, entre 150 et 200 morts, continue de faire rage. Il s'agit du prix de la dérive sanglante qui hante la Libye livrée au règne des milices et enlisée dans des divergences stériles qui minent les promesses de paix et de réconciliation menées laborieusement sous l'égide des Nations unies. Plus que jamais, le temps presse pour mettre les exigences d'un gouvernement d'union nationale attendue en septembre au diapason du dialogue inclusif réussi par les représentants des partis politiques, des personnalités influentes et de la société. Plus rien ne justifie désormais la valse hésitante des détenteurs du pouvoir, à Tripoli comme à Tobrouk, pour faire front contre la menace de l'EI qui profite de l'absence de perspective politique pour étendre son influence à Syrte et à Tripoli et à reprendre pied à Derna. Le drame de Syrte l'atteste encore plus. Dans la journée de vendredi dernier, les Libyens sont descendus dans la rue pour réclamer une aide internationale. A l'appel du gouvernement de Tobrouk, appelant dans un communiqué les Etats arabes à mener des frappes contre les positions du groupe terroriste Daech, une réunion extraordinaire des représentants des Etats membres de la ligue arabe est prévue demain. Le scénario de l'intervention reste, toutefois, aléatoire. La Libye désintégrée n'en est-elle pas la victime expiatoire ? Plus est, l'option suicidaire qui fait le lit de Daech porte un coup sévère à la volonté d'autodétermination des Libyens appelés à dégager une solution libyenne à la crise libyenne. Elle tourne le dos aux efforts incessants de la communauté internationale pour enraciner le dialogue inclusif qui commence à porter ses fruits avec la participation des protagonistes, dont le Congrès général national (CGN), aux derniers pourparlers de Genève. L'espoir d'un règlement politique, nettement traduit par l'engagement pris en faveur de la conclusion d'un accord politique dans trois semaines, pointe à l'horizon. Le langage des rames sous les armes du dialogue ?