Malgré leur mérite, nombreux furent les biographes à s'être cassés les dents en s'entêtant dans une aventure que certains qualifieraient, non sans tort, d'utopique. Mesurant les embûches d'une telle entreprise, le journaliste Hamid Tahri s'en est pourtant tiré haut la main, en réussissant une biographie cossue sur un monument de la culture algérienne, doyen et grand maître de la musique arabo-andalouse : Sid Ahmed Serri, le Chant du Rossignol paru récemment aux éditions Quipos. Un beau livre de haute esthétique dans lequel l'auteur embarque son monde dans l'odyssée de l'un, sinon du dernier des Mohicans de l'âge d'or de la musique algérienne, en reprenant, étape après étape, quelques soixante ans de carrière que le ténor Serri avait totalement dévouée au service de son pays. Un riche et long parcours qui a, de tout temps, obéit à une seule ligne directrice : la sauvegarde et la mise en valeur de ce précieux patrimoine musical qu'est la musique andalouse à travers son école d'Alger, communément appelée San'aâ. « Cheikh Sid Ahmed Serri est un véritable maillon d'une chaîne vivante de la transmission du patrimoine musical andalou (...) Il est de tous les combats pour préserver cet art séculaire », témoigne, dans le livre, Noureddine Saoudi, digne héritier de l'autre monument du genre, Abdelkrim Dali, et fondateur de l'association Es-Sendoussia. Selon l'auteur de Nouba Dziria, l'engagement de Serri sur la scène andalouse a été multiforme. D'abord sur le plan de l'enseignement, où il « se distingue par un rigorisme qu'il considère comme seul référent de préserver et sauvegarder l'intimité de la mémoire des aînés ». Sur le plan de l'écrit, le doyen professeur s'est engagé « pour interpeler les consciences sur les dangers d'une liquéfaction de cette mémoire » en éditant, entre autres, en 1997, un recueil réédité en 2006 de toutes les œuvres que sa mémoire a capitalisées. Les exemples ne manquent pas puisque l'auguste élève d'Abderezzak Fakhardji a été derrière, de manière directe ou indirecte, la création de nombreuses associations et autres organismes entièrement versés dans la préservation du patrimoine musical, tels que El-Andaloussia, El-Hayat el-Djazaïria, El-Djazairia Taâlibia. Serri a été également l'un des plus éminents professeurs de la mythique El-Djazaïria el-Mossilia jusqu'en 1988, au Conservatoire d'Alger, à l'Institut national de musique et à l'Ecole nationale supérieure. Il a également créé, en 1989, avec le concours de plusieurs personnalités du monde de la culture, la Fédération nationale de sauvegarde et de promotion de la musique classique algérienne. Pourvu d'une documentation précieuse, fournie en grande partie par le concerné, Hamid Tahri s'est voulu aussi rigoureux que pédagogue (témoignages, articles de presse, albums photos, correspondances, portraits des grandes figures de l'Andalou, hommage au maître Fakhardji...) dans ce pari réussi, à bien des égards, qu'est celui de sauvegarder la mémoire de celui qui a donné sa vie à préserver un pan entier de la culture algérienne. Amine Goutali « Sid Ahmed Serri, le Chant du Rossignol » Auteur : Hamid Tahri Editions : Quipos Genre : biographie Support : beau livre Page : 265 (+ les albums photos)