Canal Algérie a eu le bon réflexe de se rappeler du regretté Mahboub Bati, considéré par les puristes comme un monument du patrimoine musical algérien, et évidemment de saisir l'occasion de l'anniversaire de sa mort (février 2000) pour lui rendre un hommage à la hauteur de l'exceptionnel travail de composition qu'il a réalisé le long d'une riche et palpitante carrière artistique. Celui qui a pour ainsi dire révolutionné le chaâbi en créant la chansonnette qui a fait fureur dans les années 60-70 et qui a touché à tous les genres musicaux (andalou, moderne, kabyle, oranais, chaoui...) , en faisant au passage découvrir une multitude de talents, méritait bien une émission spéciale pour le faire connaître du grand public et lui permettre de saisir toute la dimension de son œuvre. “Fen Bladi” est revenu pour la circonstance pour lui consacrer la soirée avec des invités qui ont tous gardé un souvenir impérissable du maître disparu. A commencer par Kamal Hamadi, son complice de toujours, qui a collaboré avec lui sur la création de nombreux succès. Ce fut d'ailleurs un immense plaisir de retrouver sur un plateau de télévision ce dernier qui, lui aussi et à sa manière, avait marqué la chanson algérienne, notamment kabyle, pendant de longues années. Kamal Hamadi a longtemps côtoyé Mahboub Bati. Il le connaissait bien et parlait avec beaucoup d'admiration, mais surtout de respect et de considération de cet ami qui avait la passion de la musique et l'art de la perfection. « Il transformait en or tout ce qu'il touchait. Il n'y a pas une seule de ses compositions qui n'a pas été une réussite. De plus, il taillait aux interprètes des succès sur mesure. De Boudjemâa El Ankis à Amar Ezzahi, de Guerouabi à Chaou, en passant par Nadia Benyoucef, El Kobi, pour ne citer que les chanteurs chaâbi, la signature de Mahboub a été d'une grande subtilité », dira-t-il. Kamal Hamadi nous apprend que le maître a également composé pour le théâtre et a même été un bon chanteur avec une voix mélodieuse. L'homme savait tout faire et compte à son actif, selon Abdelkader Bendamèche qui vient de terminer un livre sur la musique algérienne, plus de 450 compositions enregistrées à l'ONDA. Le chercheur-écrivain, hautement reconnu dans le milieu musical, a tenu à préciser entres autres que Mahboub Bati était pratiquement un autodidacte qui s'est accompli par lui- même grâce à son génie. « Il avait du génie », insistera-t-il. Cela résume ce que le disparu avait de plus précieux en lui. D'abord, ses aptitudes à repérer le talent du premier coup, ensuite ses capacités phénoménales à écrire et composer avec une facilité hors du commun. L'histoire de la chanson El Barah interprétée par Guerouabi donne un aperçu sur la recette Mahboub. Gribouillé sur un bout d'un napperon en papier dans un restaurant pendant qu'il déjeunait avec ses amis, le texte finit dans une poubelle avant d'être récupéré in extremis pour devenir un tube retentissant. Nadia Benyoucef et Chaou Abdelkader, réunis en un duo qui a fait sensation par Mahboub Bati, Abderrahmane El Kobi pour lequel il a écrit quelques chansons et enfin son propre fils qui est aussi musicien ont tour à tour évoqué les moments privilégiés vécus en sa compagnie avec beaucoup d'émotion. C'est un colosse dont le nom restera à jamais gravé dans les annales et l'histoire de la musique nationale.