Arrivé en deuxième position après le Parti Authenticité et Modernité (PAM), fondé en 2008 par un proche conseiller du roi Mohamed VI, le Parti Justice et Développement (PJD), dirigé par le Premier ministre Abdelilah Benkirane, a été le grand gagnant des élections locales de vendredi dernier au Maroc. Lors d'une conférence de presse, tenue dans la nuit de vendredi à samedi, le ministre de l'Intérieur Mohamed Hassad a indiqué que selon des résultats encore partiels, le PAM enregistrait 20,7% des suffrages et le PJD 17,1%. Dans cette bataille de leadership, l'avancée du PJD qui a triplé son score de l'édition de 2009 (5,4%) semble contester l'hégémonie de son rival (21,4% en 2009), avec pratiquement le même taux de participation (52,3% contre 52,4% en 2009). Serait-ce le début de la bipolarité politique ? Le PJD a affiché sa satisfaction. « Nous avons réalisé les résultats que nous attendions. Notre but était d'obtenir un résultat politiquement significatif et c'est ce que nous avons fait, même si nous devons encore attendre la confirmation avec les derniers résultats », a d'emblée souligné Abdelali Hamieddine, un dirigeant de cette formation islamiste. Le parti islamiste trône, selon des médias locaux, sur Casablanca et Rabat, en menaçant le PAM dans son fief de Marrakech. Le raz de marée islamiste se poursuit dans les grandes villes, comme ce fut le cas à Fès arraché des mains du parti de l'Istiqlal criant à la « catastrophe démocratique » et dénonçant les « nombreuses violations ». Son leader, Hamid Chabat, a exigé l'ouverture d'une enquête. Il a été aussi suivi par le PAM affirmant dans un communiqué avoir porté plainte contre 3 ministres candidats du PJD et pour « un nombre important de graves irrégularités ». La version est toutefois contestée par le ministre de l'Intérieur, Mohamed Hassad, assurant que le scrutin s'est déroulé globalement dans des conditions « normales », à l'exception de quelques « incidents isolés » sans grandes conséquences sur l'issue du scrutin qui a désigné environ 32.000 élus locaux, dont 678 conseillers régionaux pour la première fois désignés au suffrage universel direct. La montée en cadence du PJD est un sérieux test pour les législatives attendues l'année prochaine. Réussira-t-il à conforter la victoire historique enregistrée à la faveur des bouleversements induits par le « printemps arabe » ? Toute la question est là. Les municipales attestent d'une popularité que le chef du PJD, Abdelilah Benkirane, associe à un bilan économique satisfaisant en matière de réduction du déficit public et de réformes sociales. Dans le camp adverse, les critiques pleuvent sur Benkirane épinglant le PAM qu'il a accusé de financer la campagne « en vendant de la poudre ». La riposte du patron du PAM, Mustapha Bakoury, est tout aussi foudroyante. « La priorité de Benkirane ces quatre dernières années n'était pas tant le travail pour l'intérêt général que pour son clan », a-t-il renchéri.