Dans son ouvrage, pertinent et toujours d'actualité, le célèbre Prix Nobel d'Economie, le Professeur J. Stiglitz fait observer que : «Les pays en développement qui ont le mieux réussi, ceux de l'Asie, se sont ouverts au monde extérieur, mais lentement et progressivement. Ils ont profité de la mondialisation pour augmenter leurs exportations, et leur croissance en a été accélérée. Mais ils n'ont levé leurs barrières protectionnistes qu'avec précaution et méthode : seulement après avoir créé de nouveaux emplois. Ces Etats ont fait en sorte qu'il y ait des capitaux disponibles pour de nouvelles créations d'emplois et d'entreprises, et ils ont même joué un rôle d'entrepreneur en lançant de nouvelles firmes. La Chine commence à peine à démanteler ses entraves au commerce, vingt ans après avoir entamé sa marche vers le marché-période où son développement a été extrêmement rapide» («La grande désillusion»- Fayard, page 92). Il soutient clairement : «La libéralisation commerciale, je le répète a été organisée pour les pays riches» («Le Monde» du 2/11/2001). Ces propos ne sont pas d'un homme politique et, de plus, ont été tenus bien avant la crise financière mondiale. En outre, le Professeur Stiglitz a été conseiller du Président Clinton et un ancien haut responsable de la Banque mondiale. Par conséquent, il ne peut être taxé de dogmatique ou d'un thuriféraire du nationalisme économique. Tous ses travaux, qui ont fait la notoriété de ses thèses, reposent sur des faits réels. Il est donc important de méditer sérieusement son analyse relative à une politique de libéralisation du commerce extérieur sans discernement, ou si l'on veut dans la précipitation. L'expérience montre que les pays qui ont emprunté cette voie ont vite déchanté car elle les a conduit directement à une impasse. Il n'est donc pas étonnant qu'ils opèrent des revirements pour éviter des déséquilibres chroniques tant internes qu'externes. Il est clair que la libéralisation commerciale dans ce cas arrange beaucoup plus les intérêts des plus nantis que ceux des pays en développement qui doivent consolider leurs économies fragiles et vulnérables. Le mérite du Professeur Stiglitz est d'abord d'avoir cerné tous ces aspecs et proposé les préalables pour, justement, réussir cette libéralisation. Qu'en est-il de l'Algérie ? La libéralisation lui a-t-elle été profitable ? A-t-elle développé son économie hors-hydrocarbures ? Ses exportations hors-hydrocarbures ont-elles été encouragées ? A toutes ces questions, la réponse est la même. La libéralisation commerciale, en particulier, a eu un seul impact, c'est de faire progresser les importations d'année en année. Des importations qui en général, ne sont ni indispensables au fonctionnement de l'appareil de production ni à la satisfaction raisonnable et rationnelle des besoins de la population (bien au contraire, ces importations peuvent constituer un danger pour la santé publique). En 2009, le pic a été atteint à telle enseigne qu'il a fallu prendre des mesures pour contenir la facture des importations sinon elle aurait été équivalente aux revenus en devises du pays, procurées par la seule vente des hydrocarbures. Ainsi, l'Algérie a bien libéralisé son commerce extérieur sans avoir, au préalable, construit une économie solide, diversifiée, densifiée et compétitive. Pis encore, elle a libéralisé au moment où elle exécutait le Programme d'ajustement structurel (PAS) c'est-à-dire une profonde restructuration de l'économie afin de mettre sur les rails menant à l'économie de marché. Résultat, la part de l'industrie dans le PIB chute pour se situer à 5% seulement. A cela, il faut ajouter que l'Algérie importe tout et n'exporte pratiquement rien (les exportations hors-hydrocarbures ne représentent que 2 % du total). Les pouvoirs publics ont pris toute une panoplie de mesures pour relancer les activités productives afin de faire passer la part de l'industrie de 5% du PIB à 10 % à l'horizon 2014. C'est un audacieux pari qui est à la portée du pays à condition de revoir l'approche en matière de libéralisation. Les immenses investissements qui seront consacrés durant le programme 2010-2014 à l'industrie et à l'agriculture, soit respectivement 2000 milliards de dinars et 1000 milliards de dinars ne porteront leurs fruits que si, dans le même temps, l'on passe réellement de l'esprit d'une économie de bazar à une économie de marché. En un mot, une nouvelle vision doit s'imposer pour éviter l'amalgame entre libéralisation débridée et performances économiques.