Il suffit de rentrer dans la première boutique ou supérette à Alger ou dans n'importe quelle ville pour entendre des récriminations sur les récentes hausses des prix. Souvent, loin de la capitale, elles sont encore plus acerbes car on fait payer aussi au consommateur le prix du transport.Peu de clients s'abstiennent de commenter les prix élevés de deux produits essentiels dans l'alimentation de l'Algérien, l'huile et le sucre, considérés déjà chers depuis qu'ils ne sont plus subventionnés par les pouvoirs publics.Ils ont connu, de fait, un spectaculaire renchérissement. De 130 DA, le bidon d'un litre d'huile Elio est passé à 230 DA et le kilo de sucre s'écoule désormais à 150 DA, ce qui alimente l'inquiétude est que l'effet boule-de-neige est garanti. Immanquablement, le yaourt, le fromage, les pâtisseries ont déjà subi des réajustements. Les restaurateurs et autres limonadiers suivront. Chacun s'empressera aussi de vous expliquer que c'est l'effet de la flambée des produits sur le marché international. Etrangement, nos commerçants ne semblent réagir qu'à des hausses mais jamais à des baisses dont personne n'entend jamais d'ailleurs parler. FACTURE ELEVEE L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) avait déjà averti, à la fin décembre dernier, sur les risques de voir les prix des denrées alimentaires atteindre des pics inégalés. Une forte hausse de la demande émanant d'une classe moyenne émergente en Chine et en Inde, les incendies de l'été dernier en Russie précédée d'une sécheresse en Argentine, le recours grandissant aux biocarburants et la hausse des prix du fioul ont ainsi contribué à la flambée des céréales et des huiles végétales. Les inondations en Australie risquent de fragiliser la situation jusqu'aux prochaines récoltes de juillet prochain. L'Algérie, qui importe, en moyenne, un million de tonnes de sucre, a vite subi les contrecoups. Le montant des importations de produits alimentaires est pourtant passé à 528 millions de dollars, soit une hausse de 35,4%, selon les statistiques de la douane publiées en novembre dernier.Depuis mai dernier, le prix du sucre a grimpé de 99% et celui du blé a doublé. Les dérégulations du circuit marchand ont fait le reste. Le consommateur algérien paye une facture très élevée. « Nous sommes ainsi passés de 80 DA au début de l'année à 150 aujourd'hui », nous explique un détaillant de la ville des Issers près de Boumerdès. Cette cascade d'augmentations a assommé beaucoup de ménages. Pour un grossiste de Tizi Ouzou, « le principe, depuis l'instauration de l'économie de marché, est que pour la plupart des produits, le marché est libre et n'obéit qu'à la loi de l'offre et de la demande. Mais, en Algérie, notamment pour les deux produits qui connaissent actuellement une tension, il y a aussi les effets d'une situation de quasi monopole car plus de la moitié des parts de marché appartiennent à un cercle très fermé », nous dit-il. La chaîne du commerce compte aussi un maillon, les grossistes, qui reste influent. C'est apparemment là que se situe le goulot d'étranglement. « Dans une économie régulée, on n'établit pas les prix qu'on veut sous peine de déclarer faillite, mis en concurrence avec les autres. Ce n'est pas le cas chez nous où nous avons davantage affaire à des corporations soudées par des intérêts », nous explique le professeur Medjitene de l'université d'Alger. Il y a un seuil au-delà duquel on ne peut aller, autrement dit, c'est le fameux plafonnement dont les pouvoirs publics semblent avoir saisi l'importance et la nécessité. Le ministre du Commerce, Mustapha Benbada a été catégorique, jeudi, après une réunion avec les transformateurs et importateurs d'huile et de sucre. «Nous pensons que nous commençons à maîtriser cette crise. Ils ont accepté d'annuler les nouvelles conditions imposées en début d'année aux marchands de gros.» L'élaboration du dispositif réglementaire serait en train d'être finalisé. Ce dispositif sera au menu d'un conseil interministériel qui se tiendra aujourd'hui. On y examinera les modalités de définition des marges bénéficiaires concernant les produits de large consommation y compris le sucre et l'huile.La volonté politique visant la préservation du pouvoir d'achat des catégories à revenus faibles demeure intacte. Avec une cagnotte de près de 40 milliards de dinars destinés au soutien des produits de large consommation, l'Etat providence en Algérie n'est pas une simple vue de l'esprit.