Deux chasseurs F-16 turcs ont abattu, hier matin, dans une zone montagneuse du nord de la province de Lattaquié, où les forces gouvernementales syriennes combattent la rébellion, un Sukhoi Su-24 de l'armée russe qui se trouvait à 6.000 mètres. Selon un responsable militaire turc cité par CNN Türk, une chaîne d'information, l'avion russe a été abattu conformément aux règles d'engagement après avoir violé l'espace aérien turc malgré les avertissements. Selon l'état-major turc, le chasseur-bombardier russe a été mis en garde « dix fois en l'espace de cinq minutes » et les deux membres d'équipage ont réussi à sauter en parachute. « L'un des deux pilotes a été capturé par des rebelles syriens turkmènes qui combattent le régime de Bachar Al-Assad dans les montagnes proches de la frontière turque, en face de la province de Hatay, dans le sud de la Turquie », explique CNN Türk. « Tout le monde doit savoir qu'il est de notre droit internationalement reconnu et de notre devoir national de prendre toutes les mesures nécessaires contre quiconque viole notre espace aérien ou nos frontières », déclare Premier ministre turc Ahmet Davutoglu justifiant ainsi la décision de ses forces armées d'abattre l'avion russe. Saisie par la Turquie qui en est membre, l'Organisation du traité de l'Atlantique nord a convoqué pour hier une « une réunion extraordinaire ». « Le ministère des Affaires étrangères va prendre les initiatives nécessaires auprès de l'Otan et de l'ONU, au niveau des pays concernés, sur instruction du Premier ministre » après un entretien avec son chef d'état-major, le général Hulusi Akar, et son chef de la diplomatie, Feridun Sinirlioglu, affirme Ankara. Jens Stoltenberg, son secrétaire général, a appelé le 5 octobre dernier, « la Russie à pleinement respecter l'espace aérien de l'Otan et à éviter une escalade des tensions avec l'Alliance ». Un « coup de poignard dans le dos » Moscou, qui mène depuis le 30 septembre, des raids pour appuyer l'armée syrienne, réfute les allégations turques. « Le Su-24 n'a jamais quitté l'espace aérien syrien », affirme Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin, qualifiant l'incident de « très sérieux ». Le ministère russe de la Défense affirme, dans un communiqué, qu'il est en mesure de prouver que l'avion abattu est resté dans l'espace aérien syrien. Premières décisions des Russes : Vladimir Poutine, qui a assuré, hier, lors d'une conférence de presse en présence du roi de Jordanie Abdallah II, que le Su-24 ne menaçait pas la Turquie, a convoqué une réunion du Conseil de sécurité. « La perte d'aujourd'hui est un coup de poignard dans le dos qui nous a été porté par les complices des terroristes » et « nous ne tolérerons jamais que des crimes comme celui d'aujourd'hui soient commis », dit-il. Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, annonce qu'il ne se rendra pas aujourd'hui à Ankara où il est attendu par des responsables turcs pour évoquer la Syrie, la lutte contre Daech et Chypre et le ministère russe de la Défense a convoqué l'attaché militaire turc à Moscou. Le 3 octobre dernier, des chasseurs turcs ont intercepté un avion militaire russe engagé en Syrie. Ils l'ont forcé à faire demi-tour. Moscou a mis en cause les « mauvaises conditions météo ». Le 16 du même mois, l'armée turque a abattu un drone identifié avec quasi-certitude par Washington comme appartenant à l'aviation russe. Il aurait pénétré dans le ciel turc. Les derniers jours, la tension entre les deux pays s'est encore accrue. La Turquie a convoqué vendredi dernier l'ambassadeur russe pour le mettre en garde contre les « sérieuses conséquences » des raids de l'aviation de son pays qui auraient visé, selon Ankara, des villages de la minorité turcophone de Syrie. Montrés du doigt, les Etats-Unis, qui ont une forte présence militaire en Turquie, affirment qu'ils ne sont nullement « impliqués » dans cet incident. « Nos alliés turcs nous ont informés que leurs avions militaires avaient abattu un avion de combat russe près de la frontière syrienne après que celui-ci ait violé l'espace aérien turc mardi », affirme le Pentagone.