Le coup de tonnerre dans un ciel français loin d'être serein a consacré la montée en puissance du Front national, institué en première force politique et placé au perron de la République désormais en danger d'extrémisme. Alors que la France de Hollande tente de se consacrer corps et âme au combat décisif contre le mal terroriste qui s'est attaqué deux fois en 10 mois à la stabilité et à la sécurité interne, le coup de semonce des régionales a révélé la progression fulgurante de l'extrême droite trônant sur les 6 des 13 régions et rêvant de conquérir, au second tour du 13 décembre, une ou plusieurs autres régions. L'autre France des fractures politiques, porteuse d'une dérive identitaire et communautaire lourde de conséquences, se met inexorablement en place. Le signal a été clairement lancé par la présidente du FN, victorieuse à la majorité écrasante (plus de 40% des voix), qui entend supprimer « toute la coopération internationale » de la région Nord-Pas-de-Calais Picardie frontalière de la Belgique. Cette région dont elle ambitionne de décrocher la présidence dimanche prochain mène une série de projets de coopération au Mali, au Sénégal, à Madagascar, au Brésil mais aussi dans la région polonaise de Silésie. La raison ? « Je pense que ce n'est pas du tout le rôle de la région que de payer des moustiquaires aux détenus au Sénégal dans le cadre de la lutte contre le paludisme », a déclaré Mme Le Pen sur la radio RMC. « Dans notre région où les maladies graves et le cancer notamment font des ravages, les enfants autistes, on est obligés de les envoyer en Belgique parce qu'on n'a pas de structures pour les accueillir. » A l'orée de la présidentielle de 2017, l'assaut du FN largue au large les dépositaires de la légendaire bipolarité à la française recalés dans l'épreuve des régionales. Les Républicains (27%) postés en « résistants », selon la formule de Christian Estrosi battu à plate couture par Marion Maréchal-Le Pen (40,5% des voix) et les socialistes (23,5%) tentent de sauver les meubles pour faire face au raz de marée frontiste. Un « sacrifice » est consenti par le PS qui se retire des « régions à risque Front national où la gauche ne devance pas la droite ». Le « barrage républicain » se met en mouvement dans le Nord et le Sud-Est, pour contrer Marine et sa nièce Marion Maréchal. Un couac : le refus du candidat de l'Est croisant le fer avec le représentant victorieux du FN, Florian Philippot. La droite se complaît, toutefois, dans le rejet de « toute fusion et tout retrait » solennellement proclamé par le président du parti Les Républicains, Nicholas Sarkozy et néanmoins contesté par des figures emblématiques de sa famille politique. Le niet du numéro deux, Nathalie Kosciusko-Morizet et de Jean-Pierre Raffarin, traduit les sérieux clivages clairement exprimés par le député de la Charente-Maritime, Dominique Bussereau. « Nous devons reconstruire la République, avait-t-il martelé hier matin, très ému. Il faut apporter des logiques de refondation. C'est pour ça qu'il faut des messages clairs et nets : quand on est troisième, on se retire. Il faut apporter de la chaleur, pas de la haine ».