La fulgurante percée du FN a bien eu lieu. Un choc pour la droite, pour la gauche et pour une partie de l'opinion publique désemparée. C'est que le score du Front national est plus impressionnant que celui du 21 avril 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s'était hissé au deuxième tour de la présidentielle. Ce matin, c'est le silence chez les socialistes au pouvoir, alors que dans les rangs de la droite, les premiers signes de division apparaissent. Le FN a obtenu au premier tour un score national record de 28% des voix et s'est revendiqué «premier parti de France», devançant l'opposition de droite (27%) et les socialistes du président François Hollande (23,5%), selon les dernières estimations du ministère de l'Intérieur. Le FN arrive en tête dans au moins six régions sur 13, dont trois régions clés : au Nord (Nord-Pas-de-Calais-Picardie), où se présente sa présidente Marine Le Pen, dans le Sud-Est (Provence-Alpes-Côte d'Azur), où il est emmené par sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, et dans l'Est (Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine), avec le stratège du parti, Florian Philippot. Il est aussi premier dans le Centre (Centre-Val de Loire), le Centre-Est (Bourgogne-Franche-Comté) et le Sud (Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées). Marine Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen sont toutes deux créditées d'environ 41% des voix dans leurs régions respectives. La présidente du FN a salué «un résultat magnifique» dans le Nord, et revendiqué sa «vocation à réaliser l'unité nationale dont le pays à besoin». Dans le Sud, Marion Maréchal Le-Pen s'est félicitée d'«un score absolument historique», marquant «la fin d'un vieux système». La progression de l'extrême droite en France est continue depuis des percées aux municipales et aux européennes en 2014, et un score déjà inédit de 25,2% en mars 2015 lors d'un scrutin départemental. Le parti recrute désormais dans toutes les classes de la société, surfant sur un rejet de la classe politique classique, dans un pays où le chômage endémique affecte près de 3,6 millions de personnes. Une victoire de l'extrême droite le 13 décembre dans une ou plusieurs régions constituerait une première historique en France. Pourtant, les appels à la «mobilisation générale» se sont multipliés, dans les médias, les milieux économiques ou les syndicats pour convaincre les Français de faire barrage au FN quelques heures avant l'ouverture des bureaux de vote. Après les attaques jihadistes, du 13 novembre dernier, le parti de Marine Le Pen s'est trouvé conforté dans son discours nationaliste et anti-immigration par la révélation que deux des kamikazes avaient gagné la France après s'être glissés parmi des migrants débarqués en Grèce. Les élections régionales sont les dernières prévues en France avant la présidentielle de 2017, pour laquelle Marine Le Pen est aussi donnée en tête des intentions de vote au premier tour. R. I./Agences Marine Le Pen parle du «suicide collectif» du PS l Sur RTL, la présidente du FN se félicite de «l'incroyable dynamique» de son parti. Marine Le Pen envisage la victoire dans plusieurs régions. «Il n'y a pas de choc, il n'y a pas de sursaut. Le FN gagne progressivement la confiance des Français élection après élection». Marine Le Pen sur RTL a salué «l'incroyable dynamique» de son parti, arrivé en tête dans six régions et en passe de remporter le Nord-Pas-de-Calais-Picardie ou la Provence-Alpes-Côte d'Azur, «malgré les caricatures et les injures». Au micro de RTL, elle a noté le «très faible score de l'UMP (sic)» et «l'effondrement du Parti socialiste». Selon elle, le PS commet «un suicide collectif» similaire à «la secte du Temple solaire». La présidente du FN s'est réjouie des scores réalisés par ses candidats dans les villes frontistes, expliquant qu'«essayer le FN, c'est l'adopter». Par exemple, à Fréjus, Marion Maréchal- Le Pen atteint plus de 50% des voix tandis qu'à Hénin-Beaumont Marine Le Pen atteint 59%. Marine Le Pen espère gagner «le maximum de régions», même lorsque le PS retire ses listes, notamment dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie où elle est arrivée en tête en dépassant les 40% et 15 points devant le candidat des Républicains. «Les électeurs socialistes ou communistes vont-ils voter pour Xavier Bertrand dont le programme est «mort aux pauvres» ?», explique-t-elle. «Cela fait vingt-cinq ans qu'à chaque élection, à chaque lendemain d'élection, les responsables disent «on a compris». La vérité, c'est qu'ils ne comprennent rien. Ils sont déconnectés», a-t-elle lancé. Elle a enfin dénoncé une campagne «déloyale» puisqu'on «tord le bras des Français» en faisant des additions électorales. Le PS se désiste dans deux régions-clés l Pour lui «faire barrage républicain», les socialistes ont annoncé leur retrait au deuxième tour en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Provence-Alpes-côte d'Azur. Le «sacrifice» est lourd. «Pendant cinq ans, les socialistes ne siègeront pas dans ces régions», a reconnu le numéro un du Parti socialiste (PS), Jean-Christophe Cambadélis. Le parti du président Hollande dirigeait jusqu'ici la quasi-totalité des régions, il pourrait n'en conserver que trois. Promis à une large victoire avant les attentats de Paris, le parti Les Républicains de l'ancien président de droite Nicolas Sarkozy a perdu du terrain au profit du FN. M. Sarkozy a déclaré, hier dimanche, qu'il n'y aurait «ni fusion» avec la gauche, «ni retrait» face au FN au deuxième tour, s'attirant les foudres des socialistes. «Le message de la droite fait preuve d'une grande irresponsabilité», a critiqué l'entourage du Premier ministre Manuel Valls. Même dans son propre parti qui se réunit ce lundi, en Bureau politique pour définir une «stratégie commune» à adopter pour le second tour, le président des Républicains risque de se heurter à des résistances. «Le constat est clair, nous enregistrons une forte progression du FN, il faut y réagir avec lucidité et sang-froid», a déclaré son principal rival à droite pour 2017, Alain Juppé, laissant entendre une divergence d'analyse avec M. Sarkozy. L'attitude du PS et de la droite dans les régions susceptibles de basculer à l'extrême droite sera déterminante, entre un désistement voire une alliance pour tenter de barrer la route au FN, ou des triangulaires risquant d'assurer sa victoire. Les villages, terres fertiles pour le FN l Le FN, parti des champs ? Si les scores des trois principales forces politiques françaises sont proches au niveau national à l'issue du premier tour des élections régionales, il existe des différences notables lorsque l'on analyse les résultats des villages et des villes. Ainsi, le Front national obtient, en moyenne, de meilleurs scores dans les communes de moins de 2 000 habitants. Le parti de Marine Le Pen fait la course en tête dans les villages. Avec plus de 30% des suffrages exprimés, le FN y dépasse les voix de droite de 5 points et celles des socialistes de 10 points. A l'inverse, lorsque l'on ne conserve que les résultats des grandes villes (plus de 50 000 habitants), le rapport de force penche dans l'autre sens. Avec 17,49% des voix, le FN est loin derrière le score de ses adversaires, qui frôlent les 30%.