Cet événement populaire hautement religieux fait de Béni Abbès la destination privilégiée en cette période pour les visiteurs et touristes venus de plusieurs wilayas, mais aussi de l ́étranger. Cette fête, qui attire une foule de plus en plus nombreuse ces dernières années, est devenue l'un des grands événements de « pèlerinage » car la ville est sainte à la fois pour les musulmans et les chrétiens. Pour les habitants de cette nouvelle wilaya déléguée, le Mawlid Ennabaoui n'est pas fêté avec autant de ferveur qu'à Béni Abbès. Mercredi, 14h. Des milliers de personnes ont investi la place publique de la Concorde civile de Béni Abbès, à Béchar, pour assister à la parade. L'ambiance est celle de « la fête au village ». Des femmes parées de leurs plus beaux atours avec « Lemlah'fa » (tenue traditionnelle), pour certaines, étaient plus nombreuses sur les lieux. Les plus âgées avaient les yeux tracés au k'hol. Les hommes portent pratiquement tous leurs djellabas blanches. Les petits enfants, eux, portaient la gandoura blanche avec le chèche. Eux aussi avec leurs yeux tracés au k'hol. Honneur aux nouveau-nés Selon des habitants de la région, la tradition veut que les nouveau-nés et les bébés qui n'ont pas dépassé l'âge d'un an soient habillés en blanc et présents aux festivités. « C'est une tradition héritée de nos ancêtres et que les habitants de la région veillent à transmettre aux générations futures. Les petits doivent être accompagnés de leurs pères pour une tournée au milieu de la piste avec les groupes folkloriques », explique Rachid, un habitant de Béni Abbès. Quid alors des tirs des détonations du baroud qui risquent d'effrayer les petits ? « C'est dans nos traditions. Le baroud ôte le sentiment de la peur chez les petits garçons. En outre, on étale sur leurs visages la poudre du baroud pour les protéger du mauvais œil et le mauvais sort », ajoute-t-il. « Les nouveau-nés sont honorés. Ils sont appelés Atfal El Mezrak (les enfants bénis), souligne un notable de la région. Des touristes et visiteurs ont fait participer leurs enfants à cette tradition à l'exemple de cette mère de famille venue de Tlemcen. « J'ai hésité à ramener mon fils âgé de 9 mois à cette fête à cause du bruit du baroud mais finalement il n'a pas pleuré, j'ai profité pour lui mettre de la poudre noire », sourie-t-elle. Les enfants plus âgés étaient eux, vêtus d'une kachabia de couleur marron, un chèche blanc et munis d'un petit fusil de chasse traditionnel en bois. Redouane, un Oranais qui travaille à Béchar, a accompagné sa sœur qui vit au Canada. « Cette année, ma sœur a accompagné son amie, une Canadienne qui a tenu à assister à cet événement après avoir suivi les vidéos et les photos. Elle a même acheté une tenue traditionnelle pour ses deux fils », dit-il. Absence de guides Sarah est venue d'Alger. Elle assiste pour la première fois à cette fête. « Je suis déjà venue à Taghit pour le réveillon il y a deux ans mais des amis m'ont conseillé Béni Abbès pour l'occasion du Mawlid. C'est magnifique et j'ai beaucoup apprécié l'hospitalité des gens de Béchar, ils sont civilisés et respectent les visiteurs et les touristes, surtout les femmes. Dans cette foule, je n'ai pas été inquiétée, ni dérangée, les gens sont très éduqués et hospitaliers », se réjouit-elle. De même pour ce groupe de jeunes étudiants de Constantine qui n'a jamais visité Béchar. « On a fait le trajet par route, c'est une découverte et une aventure pour nous. Je suis très satisfait et je compte venir la prochaine fois en famille », témoigne Yassine, muni de sa caméra, pour imortaliser l'événement. Ali, prof d'anglais à Blida, est venu en famille. Ses deux garçons et sa fille, tous élèves en primaire, chèche sur la tête, ont insisté pour prendre des photos au milieu de la placette avec les troupes folkloriques. « C'est une fête de paix, un vrai événement religieux bien organisé malgré la grand'foule. Le seul hisc c'est l'absence de guides touristiques pour nous expliquer les traditions. J'ai sollicité des habitants pour avoir une petite idée sur cet événement afin de transmettre nos coutumes à nos enfants. Ici, le visiteur et le touriste sont livré à eux-mêmes », déplore-t-il. Avant la prière d'El Asr, les présents ont récité collectivement la « Fatiha » avant le début de la « Fezaâ », une expression de fidélité à la naissance du Prophète Mohamed (QSSSL), ainsi que « les Awliya Essalihine » (les saints) de la région. Il était 18h, quand le wali délégué, Boubekar Lansari, annonce l'ouverture officielle de la cérémonie devant une foule dépassant les 10.000 personnes. Plusieurs troupes folkloriques locales se sont succédé sur la place publique, chants religieux, danse et tirs de baroud au menu. La fête a duré jusqu'à la prière du Maghreb. Les visiteurs ont vécu au rythme des chants et des danses avant de se disperser dans le calme. Aucun incident n'a été constaté, selon le chef de sûreté de la daïra de Béni Abbès. « Des policiers officiers et agents en équipes pédestres ont été déployés à l'intérieur et à proximité de la place publique. Il s'agit essentiellement d'un dispositif préventif. Des brigades motorisées ont été également mobilisées pour la gestion de la circulation. Aucun incident n'a été enregistré », s'est-il félicité. De même pour la Protection civile pour qui aucune intervention n'a été signalée. Les sapeurs-pompiers, très sollicités, ont servi de guides aux visiteurs et touristes. Après la prière du Maghreb, les familles se rencontrent dans la grande maison, autour d'une Gassaâ (une grande assiette en bois) de couscous traditionnel garni de viande, de pois chiches, de lentilles, de « talédaght »—haricot local—du lait et des dattes. « C'est une occasion pour renforcer les lieux familiaux », nous dit-on. Des plats sont également portés dans les mosquées. La soirée ne peut être clôturée sans le fameux thé local. Le lendemain, jeudi à l'aube, les hommes et les enfants se regroupent dans les mosquées avant la prière d'El Fedjr. « Au premier Adhan, les femmes lancent des youyous de joie, fêtant la naissance du Prophète Mohamed (QSSSL). Après la prière, le petit déjeuner est servi avec de la tamina appelée ici zemmita », explique Aïcha. La fête n'est pas encore finie. Un chameau est sacrifié à l'occasion. Les groupes folkloriques sillonnent les oasis et les jardins de la ville. A Béchar, il n'y a pas une région ou une oasis où le Mawlid n'est pas célébré. La fête est surtout marquée par la récitation des versets coraniques et des chants religieux. Toutes les cités et les mosquées sont illuminées à l'occasion. Les lieux de culte et les mausolées ont été repeints en blanc. Au centre-ville de Béchar, des cérémonies religieuses ont été organisées, entre les prières du Maghreb et El Icha, y compris dans les mosquées, explique l'imam de la mosquée Omar Ibn Khattab, Lahcéne Lahiani. La veille de la célébration du Mawlid, le visiteur a le choix entre assister à une veillée organisée pour la circoncision des enfants et la distribution des prix aux élèves ayant appris le Livre Saint. « Cette année, on a veillé à transmettre la sira du prophète (QSSSL), notamment les principes et les valeurs de la concorde et la réconciliation. Le principe de la célébration de cette fête est le renforcement des liens sociaux entre les différentes populations des régions du sud-ouest du pays mais aussi d'autres régions qui participent à la cérémonie », précise-t-ilLa fête, qui a duré une semaine et 10 jours dans certaines régions, s'est déroulée dans le calme. Aucun bruit de pétards dans cette région ou seul « le baroud » est à l'honneur. Et pour cause, les enfants de Béchar affirment ne trouver aucun plaisir dans l'explosion des pétards. L'Ermitage du père de Foucauldattire les touristes à l'occasion, des touristes, notamment des nationaux, ont visité l ́Ermitage du père Charles de Foucauld. L'homme, né à Strasbourg en 1858, est arrivé à Béni Abbès en 1901. Le 1er décembre, il célébra la première messe dans la chapelle de l ́Ermitage. Huit religieux y habitent. « Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu : c'est là qu'on se vide, qu'on chasse de soi tout ce qui n'est pas Dieu et qu'on vide complètement cette petite maison de notre âme pour laisser toute la place à Dieu seul », avait-il écrit dans une lettre au père Jérôme. Mais la lettre publiée qui attire le plus des visiteurs c'est celle où il avait écrit : « L'Islam a produit en moi un profond bouleversement, la vue de ces âmes vivant dans la continuelle présence de Dieu m'a fait entrevoir quelque chose de plus grand et de plus vrai que les occupations mondaines. »