Le livre* de Mohammed Boudaoud, dit Mansour, « Les armes de la liberté », vient s'ajouter à la liste, déjà longue, des ouvrages qui traitent de la guerre de Libération nationale. Il se lit toutefois avec curiosité et intérêt, car il traite d'un sujet rarement abordé. Dès juin 1955, année où le colonel Ouamrane l'envoya au Maroc pour se procurer des armes, l'auteur sera chargé, jusqu'à l'indépendance, de missions liées à l'achat, à la fabrication ou au transport de ce qu'il appelle, à juste titre « le nerf de la guerre ». La valeur de ces mémoires, qui s'étalent des années 40 au recouvrement de l'indépendance, est d'abord, pour reprendre les mots de Daho Djerbal, qui a préfacé l'ouvrage, « une matière précieuse pour l'historien d'autant plus que le récit est accompagné de documents d'archives ». Quelques photos d'époque ainsi qu'une longue lettre rédigée en français par Houari Boumediene sont également inédites. Taourga – La Casbah Le frère d'Omar Boudaoud, qui a dirigé de 1957 à 1962 la fédération de France du FLN, évoque, auparavant, son engagement dans le PPA. Il n'avait pas encore vingt ans durant la Seconde guerre mondiale dans ce petit village de Taourga, appelé alors Horace Vernet (célèbre peintre français). Les colons alsaciens et italiens en majorité avaient quitté les lieux permettant aux paysans des régions avoisinantes, comme Mizrana, de racheter terres et maisons. L'itinéraire du jeune Boudaoud se confond avec beaucoup d'autres jeunes de sa génération. La valeur de ses souvenirs est d'être un témoignage de première main sur la période qui précède le déclenchement du 1er Novembre dans cette région qui surplombe les plaines de Tadmait-Bordj Menaiel. Vers le nord, elle domine les terres fertiles, accaparées par les colons parmi lesquels le tristement célèbre Abbo dont la localité de Sidi Daoud porta le nom. De ce village de Kabylie à la Casbah, celui qui fut appelé pour des missions par l'OS croise de nombreuses personnalités comme Aït Ahmed, Bennai Ouali, Krim Belkacem, Ouamrane... Le café familial de la Casbah était un lieu de ralliement. Il apporte, dans les premiers chapitres, un éclairage sur la répression qui s'abattit sur les militants du PPA après l'annulation de l'ordre d'insurrection du 23 mai dans le distict de Kabylie. « Allel Benbrahim de Dellys, un des membres du commando, fut un de ceux qui tombèrent, en ces jours agités, au champ d'honneur », rappelle-t-il. (P 20) Des grenades aux mitraillettes et mortiers La période la plus exaltante se situe au Maroc qu'il parcourt de long en large. On le retrouve autant à Tanger, à Agadir qu'à Oujda ou El Hoceima dans le Rif. Il y rencontre Boudiaf, Allal Ethaalibi, Cheikh Kheiredine, Boussouf son chef et Boumediene dont il évoque quelques souvenirs notamment une rencontre en Allemagne. Il relate des rencontres avec Bouteflika, le colonel Lotfi. A la tête du DLO, (direction de la logistique ouest) il narre les difficultés à se procurer des armes, les périls de leur transport à bon port. Sans trop de détails, il reconnaît aussi quelques pratiques autoritaires entre dirigeants de la Révolution et des exactions au camp de Lekhmisset. Il apporte un témoignage sur l'assassinat d'Abane en relatant sa rencontre avec Krim Belkacem à Tunis. Il s'attarde davantage sur les ateliers de fabrication de grenades, de mortiers puis de mitraillettes dans cinq centres disséminés à travers le royaume. On y découvre l'organisation et l'organigramme de ces sanctuaires. Il rappelle, à maintes reprises, l'aide qu'ont apportée ses responsables à la lutte du peuple algérien. Il divulgue des renseignements sur l'aide en armement fournie par des pays comme la Chine, l'URSS ou la Yougoslavie à l'ALN et les mécanismes de fonctionnement des trafiquants d'armes. Le Malg ne s'occupait pas seulement de transmissions, de renseignements mais sous la houlette de Boudaoud de la fabrication des armes. Elle s'appuyait sur des techniciens algériens mais on recourait aussi à des étrangers souvent de tendance trotskiste. Il ne cache pas les difficultés, évoque les tentatives d'infiltration des services français dont le redoutable colonel Mercier du Sdece. Malgré le péril constitué par les lignes Morrice et Challe, les accidents mortels lors des essais de mortiers, « nous avons réussi, avant l'indépendance, à livrer cinq mille mitraillettes et cinquante mille chargeurs, le tout emballé dans des caisses et envoyé au commandement des frontières », note l'auteur. L'expérience ne s'est pas poursuivie après l'indépendance avec le même élan, regrette-t-il à la fin du livre. Ce dernier contient des témoignages de militants dont Salem Ramdani qui rappelle que Boudaoud avait envoyé du Maroc les explosifs qui ont servi en 1956 à Alger. Les armes de la liberté Editions Rafar, 198 pages Prix public : 750 DA