Cette semaine écoulée aura été, par excellence, la semaine des produits alimentaires, et pour cause. La nouvelle année, qui s'est annoncée mouvementée et riche en défis, semble avoir mis au podium des priorités la prise en charge des nombreuses questions liées à la sécurité alimentaire, à l'importation des denrées et à l'endiguement de la hausse vertigineuse des prix de certains produits de première nécessité. Un chiffre clé, cependant, donne à toute cette actualité un sens particulier. Il s'agit de celui fourni par les services des douanes jeudi de la même semaine, qui fait état d'un montant d'1 milliard de dollars pour l'année 2009, aux seuls titres des importations des huiles alimentaires et du sucre roux. Deux produits dérivés destinés à la transformation dans les filières agroalimentaires respectives en Algérie. Ce qui représente, pour ces deux seuls produits, le sixième de la totalité de la facture d'importation des produits alimentaires de l'Algérie en 2009. De quoi donner le tournis au plus déraisonnable des gestionnaires et au plus inconséquent des consommateurs. Mais plus que le tournis, ce chiffre pousse à se poser certaines questions, notamment celle de savoir comment faire pour importer moins à l'avenir, celle aussi de savoir si nous sommes réellement à l'abri de crises alimentaires majeures si celles-ci venaient à toucher nos fournisseurs d'une façon ou d'une autre, et bien d'autres questions. L'AGRICULTURE OUI, MAIS… Les experts le disent, l'Algérie est un pays qui est entrain de développer son agriculture à travers un volontarisme financier inédit et une stratégie qui prend en compte certaines réalités structurantes. Néanmoins, et en dépit des évolutions que l'agriculture enregistre chaque année, elle ne pourra pas, sur le long terme, constituer la seule réponse au déficit en matière de satisfaction des besoins alimentaires du pays. Constat évident et indiscutable quand on sait que l'Algérie est le premier pays africain importateur de denrées alimentaires avec une couverture de 75% de ses besoins par les importations. Ce qui repose encore une fois la lancinante question de la sécurité alimentaire, celle-ci étant fortement tributaire d'une permanence des importations, autrement dit, d'un approvisionnement régulier de marchés extérieurs. Ce qui expose l'Algérie à des risques de pénurie épisodiques et, surtout, au surenchérissement des produits alimentaires du fait des fluctuations des prix sur les marchés internationaux. Un surenchérissement qui affecte directement les prix des produits sur le marché local, induisant forcément des difficultés d'accès à la ration de base, surtout pour les populations dont le pouvoir d'achat est déjà éprouvé et dont la part des dépenses alimentaires dans le budget familial dépasse déjà les 60%. L'IMPORTATION, UN RECOURS INEVITABLE Peut-on faire l'économie de dire que 20% de la valeur des importations sont représentés par les produits alimentaires ? Nul doute que cela renseigne mieux, en dépit de son développement et son amélioration, sur l'insuffisance de la production agricole, mais aussi sur l'évolution de la demande des consommateurs dont le modèle de consommation a été complètement bouleversé par l'entrée de l'Algérie dans l'économie de marché. Deuxième pays consommateur de céréales au monde, par rapport au nombre d'habitants, après le voisin marocain, l'Algérie ne couvre que 25% de ses besoins en céréales, alors qu'elle doit importer, chaque année, pas moins de 60% de ses besoins en poudre de lait, sachant que la demande massive en produits laitiers dans notre pays connaît une croissance de 20% chaque année. Ce qui fait que le développement des filières agricoles et de leurs performances de production ne font qu'endiguer la montée des importations et peuvent difficilement contribuer à la baisse de leurs chiffres. UNE STRATEGIE REALISTE S'IMPOSE Le défi de sécurité alimentaire, c'est de cela qu'il s'agit quand on importe pour 1 milliard de dollars en sucre et en huile, doit être la cible d'une véritable stratégie de développement qui reste encore à affiner, mais dont les domaines d'articulation ne sont pas inconnus. Il s'agit, bien entendu, des secteurs de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Cela pour mettre sur pied une véritable politique de sécurité alimentaire qui procède selon la concrétisation d'un développement de l'agriculture allant dans le sens d'une dynamisation de la production et, surtout, dans celui de la mise en valeur de cultures qui permettraient d'ouvrir à l'Algérie le marché des exportations. Des cultures qui devraient être complémentaires de celles destinées au marché local, combinant ainsi des ambitions d'exportation agricole avec des besoins de sécurité alimentaire; le tout devant être sustenté par une politique maîtrisée des importations, afin d'éviter, à la fois, les effets de concurrence néfaste sur le marché local et les crises d'approvisionnement extérieur. Une façon de dire que l'on ne peut cultiver, en Algérie, tous les aliments dont on a besoin, l'autosuffisance alimentaire étant une illusion qui ne nourrit plus personne. En optimisant, en revanche, la relation entre l'agriculture et l'agroalimentaire, on peut doublement contribuer à la prospérité des deux secteurs. Le premier trouverait des débouchés garantis pour ses produits tout en évoluant technologiquement et techniquement pour répondre aux attentes de cette industrie. Le second optimiserait davantage ses coûts à la production, maîtriserait mieux ses marchés d'approvisionnement et pourrait être plus compétitif sur ses marchés et même à l'international. Quand on a réussi tout cela en allant vers l'exportation avec des montants à sept et huit chiffres, le milliard de dollars du sucre roux et des huiles ne donne brusquement plus le tournis. Après tout, la meilleure façon d'accéder à la sécurité alimentaire, c'est de puiser à ce qu'on produise les moyens de se procurer ce qu'on n'a pas. C'est là un circuit de l'échange qui représente un défi, mais qui doit être intégré pour préserver la souveraineté alimentaire et économique de l'Algérie.