Longtemps allié de l'Iran, le Soudan a rompu, début janvier, ses relations diplomatiques avec Téhéran, pour se rapprocher de l'Arabie saoudite. Autres temps, autres mœurs. En 1991, le Soudan soutenait l'invasion du Koweït par l'Irak. Il avait même rompu ses liens avec les pays du Golfe. La rupture diplomatique avec Téhéran succède à l'engagement du Soudan en mars 2015 aux côtés de la coalition menée par l'Arabie saoudite pour combattre les rebelles houthis au Yémen. Cette volte-face s'expliquerait, selon de nombreux experts, par des raisons économiques. « Des raisons pragmatiques », selon Al-Tayeb Zein Al-Abidine, professeur de sciences politiques à l'Université de Khartoum. Selon lui, « le Soudan a besoin des investissements saoudiens pour relancer une économie vacillante ». Le pays est soumis, depuis des années, à des sanctions internationales qui ont aggravé ses difficultés. Le président Béchir, au pouvoir depuis 26 ans, fait lui-même l'objet d'un mandat d'arrêt de la CPI, pour des accusations de génocide dans la région du Darfour. Le coup de froid avec l'Iran n'est pas, à vrai dire, brutal. En septembre 2014, les responsables soudanais avaient fermé un centre culturel iranien à Khartoum, accusant ses employés de prêcher un Islam chiite dans ce pays à majorité sunnite. Outre les sanctions, l'indépendance du Sud-Soudan en 2011 a privé Khartoum de trois quarts des réserves pétrolières. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères soudanais a nié que « les très bonnes relations » du Soudan avec Ryad soient basées sur des motifs financiers », affirmant qu'il « y a toujours eu des investissements ». Depuis le rapprochement avec Ryad, des responsables saoudiens ont promis davantage. Selon des chiffres officiels, la valeur de ces investissements s'élève actuellement à 11 milliards de dollars. Après le revirement du Soudan, le chef adjoint de sa mission à Ryad a rencontré le directeur de la Chambre de commerce saoudienne pour discuter de nouveaux projets économiques. Les familles de centaines de milliers de Soudanais travaillant dans le Golfe et qui dépendent des transferts d'argent de leurs proches, voient d'un bon œil la décision. En mars 2014, les banques saoudiennes avaient interrompu leurs liens avec le Soudan, compliquant ainsi les transferts d'argent. Après l'engagement du Soudan au Yémen, des responsables ont affirmé que ces mesures pourraient être levées. Néanmoins, l'économie soudanaise bat de l'aile, l'Arabie saoudite fait elle-même face à des difficultés. Khartoum espère toutefois qu'elle l'aidera pour lever les sanctions imposées par les Etats-Unis. Tout pays mène sa politique étrangère en fonction de ses intérêts. Celui du Soudan paraît manifestement d'ordre économique.