On peut réécouter celles qui n'ont pas pris une ride, les succès comme « Noudjoum el lil » que Kamel Messaoudi ou le groupe Dey ont rajeuni. Kheloui Lounès, dans un duo avec une Espagnole, a « dépoussiéré » « Intass madyass ». Un livret récapitule en deux pages (arabe et français) l'itinéraire de ce maître de la chanson disparu en 2002 à l'âge de 92 ans. Il contient aussi ses poésies chantées. Les admirateurs ne se lasseront pas d'écouter un artiste dont la vie, mélange de souffrances et d'errances, a un aspect romanesque. Il ne fait pas partie des interprètes « jetables ». Enraciné, comme l'a rappelé Kamel Hamadi dans le terroir kabyle, ses mythes et ses sonorités, il s'est ouvert très tôt à des traditions musicales venues d'ailleurs, comme le tango ou la valse. Contrairement à un Slimane Azem ou un Taleb Rabah dont la carrière artistique est née et s'est affirmée dans les milieux de l'émigration, Cheikh El Hasnaoui, de son vrai nom Khelouat Mohamed, a d'abord immergé dans l'univers du chaâbi algérois avant de s'exiler définitivement, peu avant la Seconde Guerre mondiale. Du petit village d'Ihessnawane, à l'île de la Réunion en passant par Alger, Paris et Nice, l'exil a façonné son destin et son art. Il a chanté l'arrachement à la terre natale, l'amour-braise de Fadhma sublimée en complaintes pathétiques. Il lui prête souvent sa voix pour briser l'image de la femme sans rêve ni désir. Transgression Nul chanteur kabyle, hormis à un degré moindre Zerrouki Allaoua et Mohand Saïd Oubelaïd, n'est allé aussi loin dans la transgression. Pour son époque, entre les lendemains de la Seconde Guerre mondiale et les années 60, il fut un pionnier de la chanson sentimentale bousculant et heurtant la pudibonderie. Il était d'ailleurs considéré par les programmateurs de la radio comme un auteur de « chansons légères ». Pour clamer sa passion de sa bien-aimée, il ne prenait pas de précautions oratoires. Pour fêter cette sortie d'un coffret qui s'ajoute à d'autres, un gala a été organisé, samedi dernier au soir, à la salle Atlas, en présence de deux membres du gouvernement. Le ministre de la Culture, dans une brève allocution au moment de remettre une distinction au neveu de Cheikh El Hasnaoui, a mis en exergue le travail de l'Onda qui préserve le patrimoine. « C'est le moindre devoir à l'égard de ces hommes », a-t-il affirmé. « Cheikh El Hasnaoui, ce monument de la chanson algérienne, est un exemple à suivre », a-t-il ajouté. De grands artistes comme Aït Menguellet, Akli Yahiatène, Réda Doumaz, Nacer Mokdad et de nombreux acteurs de la scène culturelle ont pris place aux premiers rangs. On pouvait aussi voir M'henna Mahfoufi et Larbi Cherif Abderazak. Le premier est l'auteur d'un livre, et l'autre réalisa un film écrit par le journaliste Meziane Ourad. Un extrait d'une dizaine de minutes de cette œuvre a été projeté. Durant près de trois heures, devant une nombreuse assistance, des artistes, qui ont repris des chansons d'El Hasnaoui, se sont succédé sur scène. Djura a entonné un achewiq et déclamé un poème. Abdelkader Chaou, Lounès Kheloui, Hamidou, Nassima Chabane, Rachid Koceïla, Nouria Yasmine et El Hasnaoui Amechtouh ont revisité le répertoire du cheikh à la voix inimitable. Agréable surprise de la soirée, Takfarinas a chanté merveilleusement « Atchkragh Thikvaliyine » (éloges aux femmes kabyles). La soirée avait débuté par des danses, sur des airs d'El Hasnaoui, exécutées par des jeunes talents du Ballet national. L'Onda a sorti plusieurs coffrets pour préserver le riche patrimoine algérien. Dommage que les 6.000 exemplaires ne soient pas destinés encore à la vente. Un beau cadeau à ceux qui apprécient les chants éternels.