A l'initiative de l'association culturelle «Issegman» de Tizi Ouzou, un colloque scientifique sur l'œuvre et la vie de l'un des monuments de la chanson chaâbi, en l'occurrence feu Cheikh El Hasnaoui, se déroule depuis hier à la maison de la culture Mouloud-Mammeri, avec le concours du ministère de la culture, l'APC de Tizi Ouzou et le haut commissariat à l'amazighité. Plusieurs conférences ayant trait à la vie et l'œuvre de ce chanteur de «l'exil» sont au programme de cette rencontre-évocation de l'enfant prodige du arch Ihasnaouène, de son vrai né Mohamed Khelouat, décédé le 6 juillet 2002 à l'ile de la réunion où il a vécu avec son épouse Denise, après avoir mis précocement fin à sa carrière artistique. Même si cette dernière était relativement courte, le ténor a pu cependant subjuguer plusieurs générations par ses chansons qui constituent, à nos jours, un hymne à l'amour pur et à la femme algérienne. Le parcours artistique de Cheikh El Hasnaoui est parsemé de douleurs, notamment celle de la séparation avec sa bien-aimée qu'il a superbement immortalisée avec la chanson «Fadhma» et aussi avec son pays qu'il avait quitté dès son jeune âge pour ne plus revenir. Feu Cheikh El Hasnaoui avait interprété en kabyle et en arabe dialectal des chansons ensorcelantes, aussi bien de par les textes bien travaillés que par sa voix chaude, aux sons plaintifs. Il a chanté l'exil qui l'a meurtri au travers des chansons «La maison blanche», «elghorva tawaâr», «nedjoum el lil» et tant d'autres. Il s'est penché également et avec profondeur sur les déceptions amoureuses, avec des chansons dans lesquelles il implorait sa chérie de rester près de lui, mais aussi de fuir avec elle. Pratiquement tout le répertoire artistique de Cheikh El Hasnaoui a été repris par de talentueux jeunes chanteurs, à l'image de feu Kamel Messaoudi qui en a immortalisé certaines, ainsi que Madjid Aït Rahmoune, dit El Hasnaoui Amechtouh, dont le timbre vocal ressemble à celui du maître. Avec un style proprement personnel et une voix exceptionnelle, El Hasnaoui, qui a disparu dans l'anonymat comme il a vécu, a conquis les cœurs de milliers de mélomanes de toutes les générations. Le répertoire du Cheikh contient exactement 74 chansons, dont 37 en kabyle et 37 en arabe populaire. Dans une lettre envoyée par sa veuve aux organisateurs de ce colloque, Denise Khellouat a écrit : «Sa vie a été toujours pour moi mystérieuse, je ne l'ai jamais vu chanter en public. Mais j'étais son premier public, puisqu'il me demandait toujours mon avis avant de produire. D'ailleurs, s'il a été inscrit à la Sacem, (équivalent de l'ONDA ndlr) c'est moi qui l'ai persuadé de le faire. Quand il a commencé à percevoir ses droits, il a regretté de ne pas l'avoir fait plus tôt. Je savais déjà que c'était un artiste unique en son genre, car il se contentait de peu», avant de poursuivre en lançant ce qui s'apparente à une véritable complainte de la veuve du cheikh qui vit seule à Sain- Pierre de la Réunion, un département français : «Je vous serais très reconnaissante pour sa mémoire d'intervenir auprès de l'autorité la plus compétente d'Algérie et de tout faire pour que je puisse percevoir les droits d'auteur, afin de me permettre d'avoir une condition de vie confortable jusqu'à la fin de mes jours». Espérons que cet appel de la veuve de l'un des monuments de la chanson algérienne soit entendu par l'Office national des droits d'auteur (ONDA).