A force de gratter sur une guitare, on obtient le tempo qui nous livre tous ses secrets en matière de mélodie. Aussi, le lyrisme qui nous vient des temps anciens s'est-il refait un lifting pour apparaître sous d'habiles modes musicaux ? Le chant populaire en Algérie revêt une immense richesse, bien qu'elle fut surtout transmise oralement. Depuis la prise en charge de la musique Haouzi par l'université de Tlemcen et d'un troisième cycle spécialisé en "culture populaire", des écrits qui sont surtout des thèses de Magister ou doctorat, sont venus enrichir la connaissance de ce patrimoine poético-musical qu'est le Malhoun, la plus élaborée des formes de versification écrite en arabe dialectal. Son origine est un poème mélodique issu d'une culture authentiquement maghrebine, qui remonte au XIIe siècle, et emprunte ses modes à la musique arabo-andalouse en simplifiant ses modes et se développe sous une forme littéraire, ne respectant pas la structure grammaticale classique (la Qasida). Les exodes de population ont eu toujours de grands impacts sur la vie culturelle des sociétés et notamment sur leur production musicale. Ces impacts peuvent aussi revêtir la forme d'une mutation linguistique. On peut puiser de multiples exemples dans l'histoire socioculturelle du Maghreb. La venue des tribus hilaliennes en Afrique du Nord sous les Almohades a eu pour conséquence de féconder la musique. Cela avait donné naissance à la poésie chantée dite «Chi'r al-Malhoun», laquelle devait sceller la communion arabo -berbère. Quand vint le moment de conquérir l'Andalousie, un grand mixage se produit alors dans cette rencontre entre trois cultures, l'ibérique, l'amazighe et l'arabe et qui finit par accoucher de la musique andalouse. De même, l'afflux des Noirs de l'Afrique subsaharienne a introduit le Gnawi, alors que tout près de nous, plus exactement au 19e siècle, l'exode de Kabyles vers la Casbah d'Alger a eu pour effet de faire éclore la musique châabie. Mais tous ces genres musicaux s'appuient sur un substrat commun ou du moins entretiennent avec lui des liens étroits. Ce substrat, c'est le «malhoun» étymologiquement «mélodique», qualificatif qui s'applique au «poème». Déclamé en arabe dialectal et en amazigh (surtout au Maroc), selon le principe de l'art poétique, les qacidates (poèmes) sont devenues avec le temps une sorte de koïnè musicale maghrébine. Cette koïnè se déploie sous formes diverses. «Malhoun et châabie» en Algérie, «Malouf» en Tunisie et «qacida du ghazal» au Maroc.