Cet équipement a été également utilisé dans plusieurs agressions mortelles durant les deux dernières années, notamment dans la capitale. Un adolescent de 14 ans, de passage, avait trouvé la mort au quartier de « Laâqiba » dans la commune de Mohamed Belouizdad, touché par cette « arme », lors d'un affrontement entre jeunes du quartier et ceux de « Chaâba ». A Rouiba, à l'est d'Alger, une fête a tourné au drame suite à une rixe entre trois jeunes qui venaient d'achever leur service national. L'un des mis en cause a lancé un « signal » sur la victime, la touchant mortellement au niveau du thorax. A l'hôpital de Rouiba, le personnel médical a été agressé par des jeunes qui accompagnaient un malade, qui ont utilisé des fumigènes. Au service des urgences de l'hôpital Salim-Zmirli d'El Harrach, une bagarre a eu lieu entre des agents de sécurité et des proches d'un malade qui ont eu recours aux fumigènes et au « signal », dans les affrontements. Quand le marché informel alimente les guéguerres urbaines Aujourd'hui, ce ne sont plus les armes prohibées « classiques » ou traditionnelles, qui sont utilisées dans les affrontements entre jeunes de quartiers ou dans les guéguerres urbaines connues comme « les guerres de gangs ». Désormais on règle ses différends non seulement à coups de sabre, de cocktails Molotov, de fusils harpons et autres chiens molosses, mais également avec le « signal » réputé plus dangereux que les fusées de fumigènes ou les produits pyrotechniques. La situation devient de plus en plus préoccupante, selon les rapports de la police qui soulignent que la plupart des membres de ces gangs sont des récidivistes avec antécédents judiciaires. La question qui se pose est liée à la provenance du « signal ». Il s'agit d'une fusée de détresse en mer dont l'utilisation est régie par le décret 04-304 et toute acquisition de ce genre d'équipement est soumise à l'autorisation du ministère de l'Intérieur. Entretemps il est vendu « publiquement » avec les autres produits, a-t-on constaté à « Djamâa Lihoud », dans la basse casbah. Le « signal » est cédé entre 2 500 et 5 000 DA. « Il y a une forte demande sur ce produit », a indiqué un vendeur, précisant qu'il n'assume aucune responsabilité. « Je ne suis qu'un vendeur qui cherche à vivre, mais je ne suis pas responsable de son utilisation à des fins criminelles », lance-t-il. Un autre vendeur a reconnu que « la vente du signal a connu une évolution suite aux opérations de relogement, chez les « gangs » des nouvelles cités ». Ce n'est pas un phénomène de société, selon la police Interrogé sur cette question, l'Inspecteur régional de la Police du Centre, le contrôleur Rabah Mahmoud, a assuré qu'il ne s'agit pas d'un « phénomène de société », mais de cas isolés. Il a précisé que « la police veille à la lutte contre ce phénomène et n'a pas enregistré d'agression avec ces produits prohibés, mais a enregistré cependant l'utilisation anarchique et exagérée des feux d'artifices ». Le responsable a cité la saisie de plus de 200 000 boîtes de pétards et feux d'artifices, représentant une valeur de 6 milliards de centimes effectuée par la police d'Alger, à la veille du Mawlid 2015, à « Djamaâ Lihoud ». De même pour les services des Douanes qui se sont référés aux chiffres réalisés dans le cadre de la lutte contre la contrebande. Ainsi, au niveau des ports et des frontières terrestres de l'Est, 19,2 millions DA de produits pyrotechniques ont été saisis. L'affaire la plus importante s'est soldée par la découverte de 1,7 million d' unités entre pétards et feux d'artifice, dissimulées dans deux conteneurs au port d'Oran. Banalisation de la violence Les fumigènes, qui étaient jusque-là utilisés dans les stades de football avant de faire leur apparition dans des mariages, sont aujourd'hui une arme. Samira Fekrache, sociologue et présidente du Centre de recherches et d'applications psychologiques, estime que « la banalisation de la violence, dans une société qui a perdu ces repères, fait que la vie humaine n'a plus de valeur au sens large du thème. » « Un amalgame s'est créé chez les individus ,au plan national et international, sur la manière d'exprimer la joie et la tristesse », a-t-elle ajouté expliquant que « le recours aux fumigènes et aux pétards de tous types, n'est pas propre aux Algériens, car on le retrouve chez les hooligans lors de la sortie des stades, pour exprimer leur joie en cas de victoire mais aussi leur mécontentement en cas de défaite de leurs équipes. » La sociologue signale qu'en Algérie, les symboles repris par les supporteurs et les jeunes lors des matches de football correspondent à ceux des clubs européens, avec tout ce que cela comprend comme attitude et comportement. « Le vide que vit une majeure partie de la jeunesse la rend très fragile et réceptive pour tout ce qui vient de l'étranger et plus précisément tout ce qui est négatif par le biais du mimétisme, pour mieux s'imposer face à autrui et semer le principe de la loi du plus fort au sein de différents groupes de jeunes, sans se soucier du mal qui peut être causé, étant donné que dans la majeure partie des cas, le jeune, qui véhicule cette violence avec les différents moyens qu'il met en marche, est dans une spirale d'autodestruction au plan personnel, par tous les anxiolytiques et psychotropes auxquels il a recours, qui alimente toutes les idées de violence à l'encontre d'autrui jusqu'à arriver à porter atteinte à la vie des autres sans aucun état d'âme », a-t-elle expliqué.