Parlez-nous de votre parcours professionnel... Je suis conservatrice en chef, directrice et gestionnaire du Musée public national du Bardo depuis 2003. Je cumule vingt sept ans de travail au niveau de ce musée. Je suis de formation sociologue, option anthropologie. Je m'occupe avec mes collègues d'une partie des collections ethnographiques du musée. Pourrions-nous connaître le cahier des charges 2016 du Bardo ? Il convient de rappeler que le Bardo abrite depuis l'année dernière une exposition consacrée par l'Unesco à la lumière. Ouverte depuis fin 2015, elle se poursuivra jusqu'à la fin du mois de février 2016. Le musée a voulu marquer cet événement universel par une exposition sur cette thématique. Plus d'une dizaine d'artistes nationaux exposent leurs collections liées aux lumières, tels les lampadaires et les lampes à huile. Ces pièces ethnographiques conservées au musée du Bardo côtoient des objets et des œuvres d'artistes contemporains et de designers. On a voulu créer une ambiance, un lien entre des créations dans le domaine de la lumière, qui datent en partie du XIXe siècle, et d'autres du début du XXe siècle, et la conception et la créativité des artistes algériens. On a voulu montrer le travail ancien mélangé au savoir-faire contemporain. Il existe d'autres activités que nous envisageons de tenir, notamment une exposition sur la préhistoire dans quinze jours. Elle aura lieu en collaboration avec des chercheurs algériens. Celle-ci permettra de découvrir les dernières données sur la recherche préhistorique en Algérie et de présenter les résultats des fouilles à travers différents sites préhistoriques, en l'occurrence Aïn Henache, Taza, Djanet et d'autres. Dans cette exposition, nous avons introduit des nouveautés comme un espace réservé aux non-voyants qui pourront, et pour la première fois, lire le contenu de l'exposition sur des textes en braille. Un espace sera consacré aux enfants écoliers. Il y aura également des ateliers et un cycle de conférences animés par des chercheurs algériens de l'Université d'Alger et du CNRPAH. Le musée prévoit d'autres événements, dont une exposition sur l'art ethnographique africain (dans le cadre du mois du patrimoine), un défilé sur le costume traditionnel, une exposition des œuvres artistiques réalisées par deux jeunes dames sur la nostalgie. Cette dernière est prévue en mars prochain. Comment s'est faite la sélection des artistes à cette exposition sur la lumière ? C'est au niveau du Bardo que la sélection a été effectuée. J'ai personnellement voulu marquer cet événement qu'est l'année de la lumière 2015. J'ai ensuite sollicité l'artiste designer Mme Mammeri qui a pris en charge la sélection des artistes. On a retenu plus d'une dizaine d'artistes algériens, tous aussi talentueux les uns que les autres. A cette occasion, j'invite le public algérien à venir en masse découvrir cette exposition que j'admire personnellement. Le Bardo a accueilli des jeunes autour d'une somptueuse exposition. Pouvez-vous revenir sur cela ? Le musée du Bardo ouvre ses portes aux créateurs de différents bords. Nous avons accueilli, samedi dernier, un groupe de quatre jeunes d'Alger, qui ont initié le public à la lecture publique, en présence de l'ambassadrice des Etats- Unis d'Amérique. C'était une rencontre livresque lors de laquelle ces mêmes jeunes faisaient des lectures de plusieurs livres de leur choix. Cela allait des classiques aux auteurs contemporains. Ce genre de rencontres favorise la lecture publique. J'encourage et je félicite ces jeunes pour cette initiative louable et méritoire. Dans ce sens, que pensez-vous du lectorat dans notre pays ? Avant cela, je tiens à dire que ce groupe de jeunes a émis le souhait de reconduire cette expérience une fois par mois. J'ai naturellement accepté car une institution muséale doit aider et promouvoir tout ce qui est en rapport avec la culture. Quant au lectorat en Algérie, j'estime qu'il est peu suffisant. On lit de moins en mois pour diverses raisons, comme l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Je pense qu'il faut multiplier les initiatives du genre un peu partout afin de relancer la lecture. Il y a d'ailleurs un festival instauré par le ministère de la Culture intitulé « Lire en fête », organisé chaque année à travers le pays. On dit que le point fort du musée du Bardo, c'est durant le mois de Ramadhan. Est-ce vrai et pourquoi ? C'est vrai. C'est une action plurielle, où tout le monde est mobilisé pour offrir le meilleur au public. Il faut le dire, nous n'avons pas de cadre agréable où le citoyen algérien peut sortir en sécurité. Où peut-on apprécier écouter de la bonne musique, faire des découvertes, ou simplement se reposer entre amis et proches et passer surtout une agréable soirée. J'ai reçu Mehrez Rabia, qui m'a fait une proposition intéressante sur l'organisation de l'événement « Les nuits du Bardo ». J'ai adhéré parce qu'un musée n'est pas un temple. Il doit être ouvert à tout le monde, notamment les créateurs. J'ai constaté que durant l'organisation annuelle des expositions, on ne drainait pas assez de monde. Le secret de cette réussite, c'est d'abord l'espace magique du musée par rapport à sa végétation, sa cour, ses espaces verts, sans oublier un personnel accueillant, courtois et affable. Sur place, le public est accompagné de guides professionnels. Du coup, on a enregistré un nombre record de public, estimé à 17.500 personnes durant le mois de Ramadan. Un nombre jamais atteint durant l'année. Des projets en cours ? On compte terminer cette année l'étude de la scénographie. On va entamer la mise en place d'une nouvelle sur la préhistoire ou l'ethnographie. On envisage ensuite d'aménager les espaces extérieurs afin de permettre au public de se délecter des somptueux jardins. A travers notre action permanente, nous espérons et nous interpellons le public à venir en masse pour découvrir le musée. Le Bardo est ouvert de 9h à 17h. A partir du mois d'avril, nous ouvrons nos portes à 10h pour les fermer à 18h.