Abderrazak Larbi Cherif, après avoir décroché une licence de journalisme à l'Université d'Alger, a travaillé comme reporter à la Radio nationale, puis à la chaîne amazighe de l'ENTV. Il part ensuite en France pour suivre une formation à l'Ecole internationale de la création audiovisuelle et de la réalisation. Il enchaînera des collaborations avec divers organismes (Berbère TV, Beur FM, Beur TV, France 24). Il a réalisé quatre films : « Tahar Djaout, Amedyaz ur yettmattat » (2011), « Kamel Hamadi, Ger Yenzizen » (2010), « lghidd gelmezyen » (2007), ou « R'qem di talaght n Maâtqa » (1994). Présent aux 6es JCA avec son film documentaire « Cheikh Hasnaoui », il répond à nos questions . Un mot sur votre participation ? Je prends part à cette édition avec « Cheikh Hasnaoui, de la Maison-Blanche à l'océan bleu ». J'ai choisi sciemment ce titre, parce que la Maison-Blanche nous rappelle un de ses titres emblématiques. Il y décrit la ruée des Algériens sur l'aéroport d'Alger, après la Seconde Guerre mondiale, pour fuir la misère. L'océan bleu est une référence à Saint Pierre de la Réunion, où il est décédé et enterré. Est-ce une première tentative dans le cinéma algérien ? A ma connaissance, c'est la première fois qu'on fait un film sur le parcours de Cheikh Hasnaoui. Personnellement, je n'en ai pas vu d'autres. Il est, toutefois, possible que d'autres films aient été réalisés auparavant sur sa vie. Sa réalisation répond-elle à un besoin historique, cinématographique ou personnel ? Depuis que je suis parti d'Algérie, je me suis toujours intéressé à la mémoire, particulièrement celle de l'émigration. Sur l'autre rive de la Méditerranée, on se pose des questions sur la vie de nos anciens, celle de l'émigration qui a énormément évolué. Je citerais un film que j'ai réalisé sur le célèbre auteur et compositeur Kamel Hamadi. Il fait partie de cette génération d'émigrants, et d'une autre sur les événements du 17 Octobre 1961, Cheikh Hasnaoui s'inscrit dans une lignée naturelle. Quelles sont les difficultés que vous avez rencontrées ? La principale fut cette absence totale de documents filmés, malheureusement, on ne dispose d'aucune archive de Cheikh Hasnaoui. Le seul document disponible est un élément sonore, une interview réalisée par le journaliste Hamid, de Radio Paris, dans les années soixante. Il fut contraint alors de parler afin de démentir son décès. Cheikh Hasnaoui était modeste et réservé. Il n'aimait pas s'afficher, ou qu'on le voit à la télévision. D'autres artistes de sa génération, comme Slimane Azem ou Salah Sadaoui, ont laissé quelques documents filmés. Les seules images dans mon film m'ont été fournies par la musicienne et interprète soliste de la musique arabo-andalouse, Beihdja Rahal. Elle a eu la chance de lui rendre visite une année avant sa mort, en 2001, et eut la présence d'esprit de le filmer. Y a-t-il un message particulier que vous voulez passer ? Je n'ai pas cette prétention de dire que ce film est un hommage à ce monument. Mon objectif est de dire aux gens que nous avons de quoi être fier de notre culture. Cheikh Hasnaoui a laissé un riche répertoire malgré l'exil et une enfance perturbée. Il était orphelin de mère à l'âge de 6 ans et perdit son père à 23 ans. Parti en France sans rien, il a pu nous laisser ce legs. Qu'est-ce qui vous fascine dans son parcours ? C'est surtout sa manière de chanter la femme dans une société conservatrice. Il a carrément demandé à celle-ci de se prendre en charge. « Si toi tu m'aimes, moi je t'aime pour officialiser notre union, sans l'accord du père. » Il a eu le courage de chanter ce texte à cette époque. Pour lui, quand l'amour s'installe entre deux personnes, on n'a pas besoin de tuteur. On retrouve dans ces textes cet amour impossible. Des projets en cours ? Je suis actuellement en train de préparer, par devoir de mémoire, un nouveau film sur l'histoire de la JSK. C'est un club que j'ai découvert dans les années 70 et 80. Il a fait rêver ma génération, m'a procuré beaucoup de joie sur le plan sportif, et de la fierté sur le plan identitaire.