A six mois des JO de Rio, l'athlétisme kényan s'enfonce un peu plus avec la suspension de son directeur général, soupçonné de corruption pour couvrir des cas de dopage, faisant de plus en plus du Kenya le frère siamois de la Russie, actuellement suspendue pour les mêmes raisons. Dans deux semaines, les 10 et 11 mars à Monaco, la Russie en saura plus sur la possibilité de voir ses athlètes participer ou non aux jeux Olympiques, avec la réunion du conseil de la Fédération internationale (IAAF). Le gouvernement de l'instance y examinera les premières conclusions de la commission d'évaluation chargée de vérifier les efforts consentis par les Russes. En attendant, le Kenya prend le relais et fait grossir le caillou pourtant déjà massif dans la chaussure de l'athlétisme mondial, en plein scandale. Cette fois-ci, c'est le directeur général de la Fédération kényane d'athlétisme (AK), Isaac Mwangi, qui est suspendu six mois — c'est-à-dire jusqu'au lendemain de la fin des Jeux de Rio (5-21 août) — de toutes fonctions. Et cela « dans l'intérêt de l'intégrité de ce sport », écrit la commission d'éthique de l'IAAF dans son communiqué dévastateur. L'intégrité de l'athlétisme : c'est déjà pour cette noble cause que les trois plus hauts responsables de l'AK avaient été suspendus de toutes fonctions le 30 novembre 2015, par cette même commission d'éthique. Isaiah Kiplagat, alors président de l'AK, son vice-président David Okeyo, également membre du conseil de l'IAAF, et Joseph Kinyua, trésorier de l'AK, avaient été priés de se mettre en retrait.
L'ex-chef des armées à la rescousse Le lendemain, aux grands maux, les grands remèdes : l'AK avait désigné l'ancien chef des armées, Jackson Tuwei, pour prendre la tête de l'instance et y remettre de l'ordre. Il reste visiblement beaucoup de travail à faire, comme en atteste cette nouvelle suspension d'un haut dirigeant. Et cette affaire ouvre la voie à une « russisation » du cas kényan. Mwangi a en effet été accusé nommément la semaine dernière par deux athlètes kényanes de leur avoir demandé un pot-de-vin en 2015 en échange d'une réduction de leur suspension pour dopage. Un fait nouveau, et exactement le même type de fraude qui a fait plonger la Russie. Francisca Koki Manunga (400 m haies) et Joyce Zakari (400 m) l'accusent d'avoir demandé le 16 octobre 2015 que lui soient versés 2,5 millions de shillings (environ 21.000 euros) en échange de suspensions allégées. Les deux athlètes avaient été contrôlées positives à un produit masquant interdit lors des Mondiaux de Pékin en août 2015. Elles ont, selon leurs affirmations, refusé le marché proposé par Mwangi et, fin novembre 2015, la Fédération kényane les suspendait pour quatre ans. Dès lors, que peut faire l'IAAF à l'égard du Kenya, berceau des plus beaux coureurs de fond, et pays qui a terminé — pour la première fois de son histoire — en tête du tableau des médailles lors des derniers Mondiaux de Pékin ?
L'étau se resserre Le manque de preuves de dopage et de corruption, c'est ce qui séparait pour le moment le cas kényan du cas russe : si les enquêtes confirment les accusations, les coureurs des Hauts-Plateaux ont du souci à se faire. D'autant que l'étau se resserrait déjà : le 14 janvier, Dick Pound, président de la commission d'enquête indépendante de l'Agence mondiale antidopage (AMA) qui a fait tomber la Russie, avait déclaré qu'il « y (avait) clairement un problème avec le Kenya », tout en précisant n'avoir pas enquêté spécifiquement sur ce pays. Jeudi dernier, le président de l'IAAF, Sebastian Coe, avait rappelé qu'il n'hésiterait pas à bannir des jeux Olympiques les nations qui trichent avec le dopage, notamment le Kenya si cela était avéré. « Nous savons qu'un nombre disproportionné de dégâts en termes de réputation sont causés par relativement peu de pays et nous devons être proactifs », avait déclaré Coe. « Oui, si ça veut dire les exclure des Championnats du monde ou des jeux Olympiques, alors nous devrons le faire », avait-il ajouté. En urgence, le Kenya avait fait savoir qu'il était déterminé à « travailler avec l'AMA » pour mettre en place « une agence antidopage opérationnelle dans un délai de deux mois ». Pour le Kenya aussi, désormais le temps semble compté.