L'association a voulu à travers cette initiative faire partager un maximum d'événements uniques dans l'histoire à résonance nationale et internationale, comme le souligne son président Lounis Aït-Aoudia. Place, maintenant, à la visite guidée. Elle prend son départ à la rue Bencheneb pour longer ensuite les rues Abderahmane-Arbadji, des Abderams, Yacef-Mokrane (ex-Anfreville), Sidi-M'hamed, faire une halte à la fontaine de Bir Djebah et reprendre à la rue Tambouctou où hadj M'Hamed El Anka a vu le jour le 21 mai 1907, pour s'arrêter à l'hôpital Aït-Idir (ex-clinique Verdun). Chaque escale est porteuse d'éclairages auxquels universitaires, médecins, architectes et journalistes ont prêté une grande attention. Et retenir ces nombreux rebondissements de la grande Histoire rapportés par Lounis Aït-Aoudia à travers les hauts faits d'armes ou d'actes de bravoure accomplis par les fidaiynes. Les premiers actes de bravoure Certains découvrent pour la première fois des faits historiques méconnus du grand public. Aït-Aoudia, dans la peau d'un pédagogue plein d'enthousiasme, relate, avec force détails, ce que des militants de la première heure ont accompli par amour de la patrie, à l'image de Sid-Ali Abdelhamid, Ahmed Doum ou encore le père de Sid-Ali Abdelhamid qui a échangé un appartement de trois pièces contre un local au rez-de-chaussée. Ce local, sis au 18, rue Yacef-Mokrane (ex-Anfreville) servait, en effet, d'imprimerie pour le journal « L'Action algérienne » dont le premier article a été rédigé par Hocine Asselah. « Ce journal était une réponse à la presse coloniale raciste et xénophobe. Il était lu dans les quatre coins du pays et se vendait sous le manteau », tient à préciser le président de l'association. « Dans ce lieu quadrillé et maillé par un réseau de mouchards, il fallait oser installer une imprimerie clandestine », ajoute Aït-Aoudia. Vers la rue Abderahmane-Arbadji, convergent deux ruelles d'une importance capitale. « C'est là où M'Hamed El Anka a chanté la fameuse qcida « El Hamdou Lillah ma bqach listiîmar fi bladna ». La placette à un autre coin en ses murs est une œuvre d'art, exécutée à l'aide d'un fusain, dont le trait réunit les trois pays du Maghreb, et ce, juste à deux mois des exactions de l'OAS. C'est Réda Belhadad qui en est l'auteur. Sa fresque est exposée actuellement au musée. Au 25, rue Abderahmane-Arbadji, une plaque indique que hadj M'Hamed El Anka a habité les lieux de 1944 à 1959, voisin de l'acteur Roger Hanin, inhumé au cimetière chrétien de Bologhine. A la même rue toujours, le « café populaire 1931 » fait faire une petite halte aux visiteurs. Face à ce commerce, un autre, le « Batna ». A eux deux, ils constituaient un relais organique du PPA durant le mouvement national et la guerre de Libération. C'est là qu'ont été déjouées les stratégies colonialistes. A côté, une officine, aujourd'hui fermée. Il y avait des préparateurs en pharmacie qui, en dépit de la stricte réglementation d'alors, arrivaient à soustraire des produits chirurgicaux et les envoyer aux membres de la Wilaya III historique. Devant Djamâa Esafir (ex-synagogue du rabbin Bloch), au 3e étage de l'immeuble du n°2, Sid-Ali Abdelhamid, un moudjahid, a créé, en 1941, la medersa Errachidia. « C'était un acte de résistance pour apprendre la langue arabe », confie Aït-Aoudia. Dans une partie de cette medersa, des réunions rassemblaient des leaders de la Révolution, qui préparaient la création du Comité révolutionnaire de l'unité et de l'action (CRUA), dont ses artisans Mohamed Boudiaf et Hocine Lahouel. La mort de Hassiba, petit Omar, Ali la Pointe et Bouhamidi, un retentissement international Rue des Abderams. La maison où ont trouvé la mort Hassiba, le Petit Omar, Ali la Pointe et Bouhamidi est encore débout. Un haut lieu de résistance de la Bataille d'Alger. « Cet épisode de la guerre de Libération a connu un retentissement international », rappelle Aït-Aoudia. En ces lieux, des hommes et des femmes ont choisi de mourir pour que vive la nation. Le sacrifice suprême en ce 8 octobre 1957. Cernés par la puissance de feu de l'armée coloniale, aucune méthode psychologique ou autre n'a eu raison de leur dévouement. Plus haut, Bir Djebah. Une fontaine pour étancher sa soif et marquer une halte reposante. C'est aussi et surtout une escale de la mémoire collective. C'est en fait où un grand acte terroriste a été commis le 18 août 1956 sur plusieurs innocents, déchiquetés par les bombes de l'OAS. La revanche n'a pas tardé, signée par les membres de la Zone autonome d'Alger, utilisant les mêmes méthodes. Zahia Khelfellah, Baya Hocine et Zohra Drif, trois jeunes filles, ont posé des bombes au Coq Hardi, au Milk Bar, des lieux fréquentés par les Français. Une réplique cinglante et sanglante. A l'hôpital Aït-Idir, la délégation a eu droit à un autre fait historique. Le commandant Rabah Zerari, alias le commandant Azzedine, a été blessé à la jambe lors d'un accrochage dans la Wilaya IV historique. Il devait être transporté en urgence à Alger pour éviter l'amputation. Le défunt professeur Pierre Chaulet a établi une fausse identité, faisant passer le blessé pour le fils d'un caïd tombé de son cheval. Au moment de l'intervention, le chirurgien s'est rendu compte que ce sont des balles qui ont causé la blessure. Mais le Pr Chaulet a réussi à faire diversion pour soustraire le regard des infirmiers, en mettant carrément dans sa bouche les balles retirées de la jambe de Rabah Zerari. Ce dernier, en se réveillant, trouve Nassima Hablal, secrétaire d'Abane Ramdane, à son chevet, avec un grand bouquet de fleurs. « Alors comment t'es-tu arrangé pour tomber de cheval ? », lui a-t-elle lancé. Sur cette histoire qui a ému la délégation, s'est achevée cette visite guidée en ce lieu chargé d'histoire et empreint de mémoire. Pour Aït-Aoudia, si les pierres parlaient, chacune relaterait d'autres faits héroïques. « La Casbah, dit-il, mérite sa place dans l'histoire de notre pays et d'être réhabilitée pour les générations montantes. » D'ailleurs, l'association les Amis de rampe Arezki-Louni milite dans ce sens. Plusieurs sorties sur le terrain ont été ainsi organisées au profit des collégiens. « Les écoliers doivent s'imprégner de l'Histoire et de l'architecture de la médina, de son art de vivre d'antan, celui du partage et de la solidarité. »