Le président Bouteflika vient de décider la levée de l'état d'urgence, proclamée le 9 février 1992, dans des circonstances particulières. Une démarche, visant, selon lui, à mettre un terme à toute polémique «infondée» sur cette question, ayant fait couler beaucoup d'encre. A ce titre, le président de la République a chargé le gouvernement de s'atteler sans délai, à l'élaboration de textes appropriés, qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours dans le cadre de la loi. Ce qui conduira donc à la levée de l'état d'urgence dans un très proche avenir, conclut le conseil des ministres organisé jeudi dernier. Une mesure qui a réjoui la majorité des partis politiques dont le RND qui estime que le fait de procéder à la levée de l'état d'urgence et lui substituer des mesures légales pour permettre la poursuite de la lutte antiterroriste confirme encore une fois «la véracité et la crédibilité du mode démocratique engagé par notre pays». D'autre part, le RND salue les instructions du chef de l'Etat concernant l'autorisation à toutes les formations politiques et les organisations nationales de jouir du libre droit d'exploiter les chaînes de télévisions et les radios nationales, en leur permettant d'utiliser toutes les salles de la capitale pour «la promotion populaire de leurs positions». Le MSP accueille, de son coté, favorablement cette décision. M. Abderrezak Mokri, vice-président du parti, a estimé qu'il s'agit d'une mesure qui est «la bienvenue», mais «elle ne répond qu'à une partie des aspirations de la classe politique ayant demandé la levée de l'embargo sur la création de nouveaux partis. Pour apaiser la tension sociale, il faudrait d'abord, dira-t-il, délimiter le délai de son annulation pour atteindre une satisfaction globale des revendications citoyennes. Le secrétariat national du Front des Forces Socialistes estime pour sa part que la décision envisagée de la levée de l'état d'urgence dans un proche avenir peut être perçue comme un signal positif, mais le projet d'élaboration d'une nouvelle loi intitulée «la loi de lutte antiterroriste» engendre «l'inquiétude et le soupçon». Le FFS s'interroge, de ce fait «sur les motifs ayant poussé le chef de l'Etat à substituer une loi d'exception en lieu à l'état d'urgence dans «un pays où la constitution a été votée sous état d'urgence, où le chef de l'Etat lui-même a été élu sous état d'urgence, où la séparation des pouvoirs est virtuelle, où l'indépendance de la justice et l'état de droit, n'existent pas, où la représentation populaire est un leurre». Donc, conclut-il, «la loi projetée peut s'avérer pire que l'état d'urgence lui-même». Le mouvement El Islah constate, pour sa part, dans un communiqué parvenu à notre rédaction que l'annonce faite par le président de la République portant levée de l'état d'urgence consacre «une situation d'ambiguïté», dans la mesure où «le délai avancé n'est pas précis». De l'avis du parti de Djamel Abdeslam, il faudrait clarifier ce point davantage, en expliquant le pourquoi du maintien de l'interdiction des manifestations dans la capitale. El Islah estime que les «justifications avancées ne sont pas convaincantes», avant d'exiger la levée de l'état d'urgence durant le mois en cours, sans distinction aucune entre les régions du pays. Toujours dans le même sillage, le mouvement Ennahda vient d'organiser une session extraordinaire de son conseil consultatif à l'issue duquel il a appelé à l'accélération de la levée de l'état d'urgence, puisque les prétextes ayant entouré son instauration non plus lieu d'être. Pas seulement, «elle constitue un frein à l'épanouissement démocratique», indique le mouvement déplorant par la même la répression médiatique et la marginalisation politique. Du coté du FNA, M. Moussa Touati contacté, hier, par téléphone qualifie cette démarche de «décision courageuse» étant quand même survenue «en retard», au moment où «la répression politique et les scandales financiers ont fait rage». Touati déplore le fait que le peuple et les partis politiques soient exclus de la prise de décision. Il ajoutera que «le président de la République a reconnu implicitement à travers sa décision que l'état d'urgence ne sert pas l'intérêt du pays, étant donné son instauration dans une conjoncture de crise». Cela dit, «son annulation relève des seules prérogatives du premier magistrat du pays». M. Ali Brahimi, en rupture de ban avec le RCD contacté par téléphone estime, pour sa part, que la décision présidentielle constitue «une première avancée acquise grâce à la mobilisation citoyenne et aux contrecoups positifs des révolutions tunisienne et Egyptienne. Etant signataire de la motion initiée par 21 députés pour la levée de l'état d'urgence, notre interlocuteur se dit heureux d'avoir apporté sa petite contribution à cette question, en soulignant que cette décision doit prendre forme «immédiatement» dans les jours qui viennent, car «il n'y a plus rien à attendre, sinon l'Algérie va finir dans l'explosion». De plus, ajoute-t-il, «il faut sortir du verrouillage politique de manière organisée et pacifique». Brahimi considère qu'il appartient au Parlement d'élaborer une loi en ce sens en vertu de l'article 122 de la constitution, comme il faudrait également, d'après lui, amender l'article 87 bis du code pénal qui porte «gravement atteinte à la liberté de réunions et de manifestations. Selon notre interlocuteur «la levée de l'état d'urgence ne suffit pas à elle seule, avant d'avoir déverrouiller le champ politique par le rétablissement de la liberté des Algériens à choisir leur parti et leurs syndicats, dans un but de sortir du multipartisme de façade conjugué avec la fraude électorale et ayant stérilisé la classe politique». A signaler que nos tentatives de joindre la direction RCD ont été vaines. Pour le Parti des travailleurs, ses responsables nous ont indiqué que la secrétaire générale, Louisa Hanoune, devra se prononcer aujourd'hui sur cette question dans le cadre d'un meeting populaire qu'elle animera à la salle Sierra Maestra à Sidi M'hamed.