Les réfugiés que nous avons rencontrés au camp de Boujdour plaident tous pour la reprise des armes. Jeunes, vieux, hommes ou femmes ne croient désormais qu'à la solution militaire. C'est le cas de Teghla, Nadia, Milka, Mustapha, El Wedadi et Bendir. Ils sont convaincus que seules les armes pourraient faire bouger les choses. « La liberté s'arrache, elle ne se donne pas. La Révolution algérienne en est le meilleur exemple », ont-ils insisté. Mercredi 20 avril. Nous arrivons à l'aéroport de Tindouf vers 10 h 15 dans le cadre de la couverture des manœuvres militaires organisées au niveau de la 7e Région militaire d'Aghwinit, une région frontalière avec la Mauritanie, située à près de 1.000 km de Tindouf. C'est à bord de véhicules Toyota-Station, appartenant au Gouvernement du Sahara occidental, que nous avons emprunté la Route nationale, qui vient d'être goudronnée récemment après son extension. Des immatriculations étrangères avec un signe SH attirent notre attention. Notre guide, Bendir, un réfugié qui travaille comme chauffeur des délégations officielles et guide traducteur, d'autant qu'il maitrise trois langues, le français, l'anglais et l'espagnol, nous a expliqué qu'il s'agit de véhicules du Sahara occidental. Nous passons par un barrage fixe de l'Armée nationale populaire (ANP). De jeunes soldats veillent sur le contrôle des personnes et véhicules. Nous prenons la route vers le camp des réfugiés sahraouis Boujdour, connu sous l'appellation camp 27. Deux tours apparaissent de loin. Bendir nous explique que c'est « Rabonet », le siège de la Présidence de la RASD et de différents ministères. « C'est la capitale sahraouie », précise-t-il avec un brin de fierté. Préférence pour les Algériens Le drapeau de la RASD flotte à l'entrée. Le camp est composé de petites maisonnettes construites en terre et en toub et des tentes dont certaines appartiennent à l'Unesco et d'autres à l'Armée nationale algérienne. C'est un chantier à ciel ouvert. « Des travaux de reconstruction en dur sont en cours de réalisation. à la mi-octobre de l'année 2015, des pluies torrentielles se sont abattues sur les camps de réfugiés provoquant des inondations. Des hôpitaux, dispensaires, écoles et administrations se sont effondrés », ont raconté des réfugiés qui ont tenu à souligner l'intervention rapide et efficace des autorités algériennes, notamment les unités de l'ANP. « Elles nous ont fortement soutenus et aidés », nous confie Naiha, mère de famille, qui a aménagé sa tente pour nous héberger. Les familles sahraouies se « bousculent » pour accueillir les Algériens. « Vous n'êtes pas nos invités, mais les maîtres des lieux. L'Algérie a toujours soutenu la cause sahraouie et ses positions sont restées immuables ». Toutes gardent des drapeaux algériens. « On a toujours considéré l'Algérie comme notre pays. On soutient même l'équipe nationale de football ». Un accueil chaleureux et spécial est réservé aux Algériens dans les camps. « on a trop attendu » La situation est très tendue, a-t-on constaté. El Wadadi, membre de la délégation diplomatique sahraouie au Mozambique, rencontré au camp 27, a insisté pour s'exprimer. « Nous sommes en alerte maximale sur les plans politique et militaire. La situation est très sensible suite aux dernières provocations du royaume marocain. Nous n'assumons pas les conséquences de cette situation. Le Maroc a poussé le statu quo vers une autre impasse en défiant l'ONU, son Secrétaire général, l'Union européenne, les ONG des droits de l'homme et l'Union africaine. Le Maroc se bat seul et contre tous », a-t-il tenu à préciser. « Il y a un malaise dans les camps chez les jeunes et toute la population, ce qui nécessite une intervention rapide de l'ONU », ajoute-t-il. Cet avis est partagé par Bendir. « Pour les jeunes, la seule solution au conflit est la guerre. Quand on essaye de les sensibiliser pour patienter, ils nous lancent : « Vous n'avez pas eu de sœurs ou de mères torturées ou même violées sous vos yeux. La patience a des limites. » Des soldats du Front Polisario rencontrés dans le camp 27 ont assuré, eux aussi, qu'ils « ne comptent plus sur l'ONU ou la Minurso ». « On a trop attendu mais la situation n'a pas évolué d'un iota », fait savoir Sid Ali, un militaire en tenue. Ahmed, abordé au siège de la 2e RM, renchérit : « J'ai participé à trois opérations militaires contre les forces marocaines, mais le conflit a atteint une étape où il est difficile d'envisager tout avenir. » Ahmed a rejoint les rangs de l'armée en 1987. « Je suis aujourd'hui prêt comme tous les militaires à la guerre pour notre indépendance », assène-t-il d'un ton volontaire. Il nous a confié que sa femme et ses enfants sont dans un camp de réfugiés. « Je les vois rarement car on est en alerte », précise-t-il. Touali, un ex-militaire pendant 19 ans, actuellement membre du protocole de la présidence de la RASD, estime que « tous les Sahraouis dans les zones libérées ou occupées, dans les camps, sont unanimes sur la nécessité de reprendre les armes car le Maroc fait fi de toutes les résolutions des Nations unies ». En revanche, il a soutenu qu'une telle décision doit être réfléchie. « Elle n'est pas dans l'intérêt de l'Algérie. La France soutient la guerre parce qu'elle est liée à ses intérêts dans la région du Sahel. On tente aussi de déstabiliser l'Algérie et comme les tentatives ont échoué, la France cherche d'autres moyens. Elle soutient le Maroc », dit-il. Au camp 27, Telgha et Nadia, âgées de 20 et 25 ans, estiment qu'elles ne sont pas nées pour vivre éternellement dans une kheima » et dans des conditions précaires. « On remercie l'Algérie parce qu'elle nous a donné un espace sécurisé pour préserver notre dignité mais nous voulons notre indépendance ». Leur mère, Naiha, née à Dekhla et vivant dans ce camp, se révolte. « 40 ans basta, kafi, safi ( baraket). On ne peut plus patienter. La libération de nos territoires s'impose », clame-t-elle. Des réfugiés en bas âge réclament aussi l'indépendance en brandissant un « V » de la victoire de leurs petites mains. « Istik'lel (indépendance) », répètent-ils aux visiteurs. « De futurs soldats », selon notre guide.