Depuis le mois de janvier dernier, Constantine dispose d'une nouvelle galerie d'art indépendante, la première du genre dans la région Est. Un espace au nom fort bien choisi : Kef Noun. Deux lettres de l'alphabet arabe formant le mot « Koun » et dont la traduction en français est « soit » ! Koun exprime ainsi l'audace, l'aventure, le pari risqué et l'engagement. Labib Benslama et Salim Ziar, deux amis passionnés d'art (surtout par la musique et la photographie), ont voulu ouvrir un studio photos dans le quartier de Sidi Mabrouk. Après quelques travaux, ils se sont rendu compte que le local en question est spacieux. Ayant le sens du dévouement à l'art, ils misent alors sur l'ouverture d'une galerie d'art. « Nous aurions pu faire un fast-food ou une supérette, mais nous avons opté pour celle-ci. Nous nous sommes lancés dans cette aventure sans vraiment penser aux conséquences, nous savons qu'il y a beaucoup d'artistes méconnus du public, des jeunes surtout, et notre espace est fait pour eux. L'expression « Koun fa ya koun » (ainsi soit-il) résume cet état d'esprit. Koun veut dire aussi soit quelqu'un, un artiste ou un rêveur », nous confie Labib qui ajoute que le nom est également un clin d'œil à l'artiste Othman Bali disparu en 2005 et qui a laissé l'une de ses belles chansons « Kef none ». Le public conquis Le local d'une soixantaine de mètres carrés respecte les normes de l'univers de l'exposition, au bonheur de ceux qui y exposent et ceux qui le visitent. Un pari fou, diront certains, mais qu'importe, la galerie d'art offre aujourd'hui la possibilité aux artistes de divers horizons d'exposer leurs œuvres, hors circuit formel et dans laquelle la jeune création est à l'honneur. Les murs de la galerie d'art sont gratuits aux artistes et accessibles à tous. En d'autres termes, pas la peine d'être connu pour être sélectionné par les gérants. « Nous ne faisons aucune discrimination, d'ailleurs nous contactons les artistes via les réseaux sociaux et parfois ce sont eux qui entrent en contact avec nous », nous dira Labib. L'idée a rapidement fait bruit. Le public est conquis et est toujours au rendez-vous, comme ce fut le cas en ce début de semaine avec l'exposition du photographe Armand Vial « Pages imaginaires ». Cet artiste natif de Constantine (qui s'est installé depuis des années dans la ville) a vivement salué la démarche de Labib et Salim : « Toutes les villes du monde, et pas seulement Constantine, ont besoin d'un espace intime et qui rassemble à Kef Noun. Un espace indépendant et intime pour le public et les artistes. » Les vernissages sont à chaque fois l'occasion de découvrir des artistes émergents au talent prometteur, que ce soit en peinture, en photographie, en musique ou en littérature. En effet, en plus des artistes exposants, il y a toujours les performances de musiciens, de poètes ou de conteurs. En cinq mois, Kef Noun a déjà accueilli six artistes : Saâdine Bacha (Batna) et son exposition intitulé « Hommage à mon père » accompagné d'une lecture poétique de Walid Kassouri ; l'expo du Bônois Fouad Bouatba « Cercle vicieux sous l'ombre des mots » accompagné par le musicien Labib Benslama et le conteur Fayçal Belattar ; les artistes plasticiens Mounir Gouri et Bouzid Temtem de Annaba aussi ; et enfin l'exposition « Expression féminine » des artistes Souhayla Mellari et Hafiza Laanabi Bechiri. On ajoutera également que la galerie d'art a accueilli un atelier d'écriture destiné aux étudiants de l'Ecole normale supérieure de Constantine (l'ENS) animé par leurs enseignants. Plein de surprises et de promesses attendent encore le public, promet Labib Benslama. Les collectifs de « Picturie générale » et des d'artistes de l'Ouest du pays sont attendus pour les mois prochains.